- Premier point : dernièrement, nous entendions au cours du débat sur « le mariage pour tous », dans une interview-télé d'une catho, dans une manif : « C’est une offense incroyable aux lois de Dieu ! Souvenez-vous que Dieu, dans l’ancien testament, a détruit Sodome et Gomorrhe, qui étaient deux villes homosexuelles. » Condamnation implacable d'une femme, sans doute porte-voix d'une parole divine toute aussi implacable … !
Et bien … Commençons par revenir au texte, c'est plus sûr :Voici ce qu’en dit Ezéchiel (livre 4, 16:48 et 16:49, d’après lirelabible.net : "Voici quel a été le crime de Sodome, ta sœur. Elle avait de l’orgueil, elle vivait dans l’abondance et dans une insouciante sécurité, elle et ses filles, et elle ne soutenait pas la main du malheureux et de l’indigent. Elles sont devenues hautaines, et elles ont commis des abominations devant moi. Je les ai fait disparaître, quand j’ai vu cela. »
- Deuxième point : sur l'interprétation. Je cite Delphine Horvilleur : rabbin du Mouvement juif libéral de France et rédactrice en chef de Tenou’a, trimestriel de pensée juive moderne.
« Peut-être avez-vous reçu, vous aussi, cette lettre très amusante qui a circulé sur internet ces derniers mois. Son auteur, qui n’est pas identifié, l’aurait adressé à l’origine à l’animatrice américaine d’un programme de radio, qui citait régulièrement la Bible (Lévitique 18) pour dénoncer l’homosexualité comme une « abomination ». En voici un extrait :
Les femmes ont désormais le droit de prier comme les hommes devant le Mur des Lamentations à Jérusalem. Jeudi 25 avril, le juge Moshe Shobel a considéré qu’aucune poursuite ne devait être retenue à l’encontre des cinq militantes de l'association de féministes juives « Femmes du Mur », arrêtées il y a deux semaines pour avoir prié à haute voix devant le lieu saint de la religion juive, alors qu'un arrêt de la Cour suprême le leur interdit depuis 2003. Elles portaient également des châles de prières et des kippas, normalement réservés aux hommes. |
« Chère Madame,
Merci de nous informer si justement de la loi divine. (...) J’ai toutefois besoin de vos conseils au sujet d’autres éléments du texte biblique et de leur mise en pratique :
- Lorsque je brûle un bœuf sur l’autel comme sacrifice, je sais que c’est une odeur agréable pour l’Éternel (Lévitique 1, 9) mais mes voisins s’en plaignent. Dois-je les éradiquer ?
- J’aimerais vendre ma fille en esclavage, comme l’autorise Exode 21, 7. Comment savoir ce qui constitue un bon prix ?
- Je sais qu’aucun contact avec une femme en période menstruelle ne m’est autorisé (Lévitique 15). Le problème est : comment savoir ? J’ai essayé de demander aux femmes qui m’entourent mais la plupart d’entre elles s’en offusquent (...).
- Mon oncle a la fâcheuse habitude de jurer et de blasphémer souvent. Est-il vraiment nécessaire de demander à toute la ville de le lapider (Lévitique 24). Ne peut-on plutôt le brûler à une fête familiale privée comme nous le faisons lorsque quelqu’un couche avec un membre de sa famille ? (Lévitique 20).
Je sais que vous avez beaucoup étudié ces questions et je suis sûr que vous pourrez m’aider. Merci à vous de nous rappeler que la parole de Dieu est éternelle et inaltérable.
Signé : votre fan. »
Le pape Benoit XVI fait de l’exclusion des femmes de la prêtrise, une décision infaillible
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La démarche de ceux qui se parent du texte comme d’un argument absolu souffre constamment d’incohérence. Le sens premier d’un verset est parfois invoqué comme légitime pour justifier une norme sociale établie, un mode de vie, ou un statu quo politique. Mais il est réfuté sans discuter – quand il s’agit de juger anachroniques certaines lois et pratiques pourtant légales dans la Bible, ou même prescrites (peu de gens militent aujourd’hui pour la lapidation de la femme adultère ou la réhabilitation de l’esclavage…)
Le paradoxe de ces lectures littérales est donc que leurs partisans invoquent le texte ou le réfutent tour à tour, au nom du « c’est écrit » ou au contraire de la distance interprétative.
Quand certains aujourd’hui encore citent l’écrit indiscutable, il est utile de rappeler qu’un texte est sacré si l’on accepte que son message n’est pas clôturé par son sens premier, et si l’on se refuse à l’instrumentaliser, En cela, la lecture rigoureuse des sources religieuses est celle qui demande le plus de souplesse. Elle est aussi celle qui soulève les questions théologiques les plus complexes : Quels sont les versets dont nous percevons la vérité littérale comme intemporelle ? Quels sont ceux qui nous faut approcher plus humblement encore ?
Une lecture honnête consiste peut-être à ne jamais laisser la source être kidnappée par un a priori, à ne pas permettre au texte d’être réduit ni à l’un des sens, ni à l’indécence.
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