dimanche 30 avril 2017

Du Lai de Yonec, aux oies du Château de Pirou -1/2-

Un trouvère normand de passage à Laron, comprit très vite l'intérêt du seigneur local pour l'Alchimie.

En effet, ''Dame Margot'' s'aperçoit d'abord que le visiteur connaît bien les lais de Marie de France, et le supplie de faire entendre à tous le lai de Yonec, sans doute lui évoque t-elle la belle histoire de Mélusine et celle de Ladyhawke, qu'elle connaît par cœur ...

Je peux vous résumer cette histoire, dont le thème est souvent repris dans les contes de la veillée...

Une belle jeune femme est donnée en mariage à un vieillard riche, puissant et jaloux. Pour mieux la surveiller, il l'enferme dans une tour avec sa sœur, âgée et veuve, pour lui tenir compagnie.
Tandis que la belle se plaint de son sort et souhaite un amant, un grand et bel oiseau entre en volant par la fenêtre de la chambre ; il se transforme en un beau chevalier. Il lui adresse courtoisement la parole, et lui affirme qu'il est venu à elle par amour.
En prenant congé, le chevalier supplie la jeune femme de prendre garde à sa vieille soeur, qui, si elle les trahit, causera sa mort.

Les deux amants se fréquentent ainsi en secret pendant quelque temps, mais la joie et la bonne mine de sa jeune femme éveillent les soupçons du mari, qui ordonne à la vieille femme de la surveiller de près... Le secret est découvert, et le mari, furieux, fait placer à la fenêtre de sa femme des pointes de fer, lesquelles transpercent l'amant-oiseau à sa prochaine visite.
Le chevalier-oiseau (Muldumarec), se sent mourir. Il annonce à la belle qu'elle porte un fils de lui : elle devra le nommer Yonec, et il les vengera tous deux plus tard. Il disparaît et la jeune femme, désespérée, part à sa recherche après avoir sauté par la fenêtre. Elle suit la trace de sang laissée par son amant, jusqu'à une ouverture dans une colline.

Elle y pénètre et parvient dans un ''autre monde'', à une magnifique cité et finalement à un palais, où elle retrouve son amant gisant sur un lit. Celui-ci, mourant, la prie de quitter le palais et de retourner chez elle, lui confiant un anneau qui aura pour effet, tant qu'elle le portera au doigt, de faire oublier toute l'histoire à son vieux mari ; ainsi que son épée, qu'elle devra donner à leur fils quand il sera en âge de la porter. En quittant la ville, elle entend derrière elle les cloches qui sonnent le glas du chevalier, et s'évanouit à plusieurs reprises.
Elle finit par rentrer dans son pays, où elle n'encourt nul reproche. Comme l'a annoncé le chevalier-oiseau, elle met au monde un fils, Yonec ; celui-ci atteint l'âge où il est armé chevalier. Le vieux seigneur, sa femme et son fils, sont invités à une fête par un seigneur du voisinage. En visitant, le lendemain, les bâtiments de l'abbaye, ils découvrent un tombeau richement orné. On leur révèle qu'il abrite la dépouille d'un chevalier pris dans un piège et mort pour l'amour d'une dame.
La dame révèle à Yonec qu'il s'agissait de son père et lui remet l'épée, puis expire sur la tombe de Muldumarec. À cette vue, le fils tranche le cou de son beau-père, accomplissant ainsi la vengeance. La dame est ensevelie dans le même tombeau que son amant, et Yonec devient seigneur du pays.

A suivre ...

jeudi 27 avril 2017

Roger de Laron et le ''Grand Oeuvre'' -11/.- La Dame dans le conte: Reine et Fée.

La « Dame Margot » de Roger de Laron, est une fée ''mélusienne'' :

La fée, fort souvent rencontrée à la fontaine, accepte d'épouser le mortel qu'elle aime, se marie avec lui et s'installe chez lui, apportant la prospérité et le bonheur...
C'est une épouse modèle, qui comble tous les désirs; mais elle a mis d'emblée une condition à la vie heureuse, à savoir que son époux mortel ne transgresse jamais un interdit qu'elle lui précise : ne pas chercher à la voir nue, ou le samedi, ou lorsqu'elle est en couches, ne pas l'appeler « fée », ne révéler à personne sa véritable identité, ne faire devant elle aucune allusion à son origine, à sa famille, au lieu de leur rencontre, à la mort, etc.
Un jour, généralement par inadvertance, sous le coup de la colère, de l'impatience, sous la pression de la société (de sa famille, à lui), le mari transgresse l'interdit : son épouse surnaturelle le quitte aussitôt, en lui assurant que c'est pour toujours ... Dans le conte populaire, où la présence des enfants est bien moins souvent mentionnée, la fée peut remporter ses richesses, la prospérité, disparaître et le mari, dépérir et mourir rapidement; mais, bien plus fréquemment, le conte comporte deux autres séquences (la quête, la réunion) qui lui assurent une fin heureuse.

La fée Morgane, habite des contes un peu différents, ce sont ceux où la fée enlève le héros. Elle ne vient pas s'installer dans ce monde-ci, et, si elle y fait une apparition, c'est pour entraîner dans l'Autre Monde le mortel qu'elle aime et l'y retenir à jamais. 
Chez Chrétien de Troyes, Morgane est guérisseuse, confectionnant des onguents pour les blessures, ou contre la folie; elle est devenue la sœur d'Arthur, et elle règne, avec son ami Guigamor, sur l'île d'Avalon... Il est intéressant de noter que la figure de Morgane va devenir petit à petit une figure dangereuse et inquiétante, puis chargée de tous les péchés du monde … !
La Morgane « romanesque », la ravisseuse, l'emprisonneuse, voire l'empoisonneuse, n'apparaît donc qu'aux environs de 1225, dans le Lancelot en prose. Vient ensuite le Tristan en prose, où le personnage est encore noirci (« femme dominée par sa sensualité... lascive, retenant malgré lui un héros rétif qui saura lui échapper »).

C'est vrai également, que l'on trouve le personnage de la fée-ondine bienveillante, qui enlève (certes) le héros dès sa naissance (mais) pour le préserver de ses ennemis et lui permettre d'atteindre l'âge et d'avoir la force de les vaincre, ce personnage reçoit un vigoureux coup de pouce dans le Lancelot en prose. Se pose également, le problème de la succession de Merlin, que le Lancelot en prose exècre et bannit et à qui il semble donner deux héritières : une bonne, Viviane, qui exerce la magie blanche (et a bien fait d'en extorquer les secrets au fils de l'incube), et une méchante, Morgane, qui s'adonne à la magie noire et représente donc la part diabolique de Merlin.


Encore … Il est un passage du Conte du Graal au cours duquel l'un des chevaliers de la Queste pénètre dans un château qui semble tout à fait habité mais dans lequel il ne rencontre personne. Dans une des salles se trouve un magnifique jeu d'échecs. Pour passer le temps, il déplace une pièce sur l'échiquier. En face de lui, sans qu'il n'aperçoive personne, une autre pièce est déplacée comme en réponse à ce qu'il a joué précédemment. Il joue à nouveau et ainsi de suite... jusqu'à ce qu'il perde la partie... Furieux, il jette alors l'échiquier par la fenêtre et ce dernier se perd dans le lac qui est au pied du château.
La société celtique fonctionne à l'image du jeu d'échecs. Le Roi est la pièce essentielle : celui qui perd le Roi a perdu la partie ! Mais la Reine est la pièce qui a la plus grande mobilité, le plus grand éventail de possibilités, le plus grand "pouvoir".

Sources : Les fées seraient-elles nées au XIIe siècle ? Pierre Gallais – Cahiers de civilisation médiévale


lundi 24 avril 2017

Roger de Laron et le ''Grand Oeuvre'' -10/.- La Dame dans le conte: Reine et Fée.

Dans les soirées des châtellenies du Limousin, les troubadours chantent des Lais, où on décrit l'amour d'un chevalier et d'une demoiselle vivant dans un château isolé au milieu d'une forêt, fermé par une rivière. Ce lieu est hors du temps, comme le découvre le chevalier, qui, ayant passé deux jours au château, s'aperçoit que 300 ans se sont écoulés dans le monde réel. 
Dans le Lai de Désiré, il rencontre une demoiselle vivant dans une foliée, une « loge de feuillage » (en traduisant mot à mot..), et le Lai de Tydorel retourne la situation et met en scène un jeune chevalier qui séduit une reine, alors que celle-ci, s'étant endormie avec ses demoiselles de compagnie, vient de se réveiller, bizarrement seule, au coeur d'un verger clos...

Le curé du village, tentera en vain de rapprocher toute superstition, aux œuvres du Malin... Il n'empêche : par ici, on raconte l'histoire du chevalier veuf qui retrouve sa femme dans une lande désolée. Il l'enlève, la ramène chez lui, et peut ainsi recommencer une seconde vie avec elle. On ajoute même que les enfants qu'ils ont eus ensemble témoignent de la réalité de l'histoire.. ! Parfois les fées sont assimilées aux âmes des morts.

Malgré la christianisation, l'imaginaire féerique emplit le folklore populaire. Même si la fée quitte le domaine du réel pour la fiction, ici on se recueille toujours autour d'arbres, de fontaines, ou laissent des victuailles sur la table pour que, la nuit, les esprits, comme la cohorte de Dame Abonde ( Abundia) , viennent s'y restaurer. Abonde est une fée, vénérée au Moyen Âge, qui visitait les pauvres gens...


A partir de quand, la fée ( qu'elle s'appelle Viviane, Morgane, ou .. ) ne semble plus être ''surnaturelle'' ; mais une femme dont les capacités sont liées à un savoir diabolique ou interdit.. ?
Pour Roger de Laron, sa 'Dame Margot' a déjà la réputation de pratiquer les arts occultes... Elle évoque encore ''la Fée'', voire ''la Reine Fée''.. ( voir : Margueritede Laron, et les fées, en Limousin)

Nous retrouvons le personnage dans la ''légende Arthurienne'':
La 'Reine-fée' est l’épouse du frère de Perceforest... La Reine Fée protège les chevaliers et veille aux destinées de la Grand Bretagne. Précisément, après la catastrophe de la victoire des Romains, la Reine Fée transporte Perceforest dans l'Isle de vie ( Avalon)... Fort savante ; elle a lu les livres d’Aristote, et elle sut acquérir , par ses propres lectures et par les questions qu’elle adresse aux savants, de profondes connaissances en astronomie, et devient « maistresse d’arquemie et de nigromancie »...

Dans le rôle de la ''Reine Fée'', nous retrouvons la Reine Guenièvre, enlevée par un chevalier de l'Autre Monde, Méléagant, qui nécessite une Quête de la Reine... La Reine Guenièvre est disputée comme dans un combat mythique pour la possession de la déesse, symbole de vie...
Nous retrouvons aussi Morgane ( Morrigane) ; elle est présentée comme la reine des fées et la maîtresse de l'île d'Avalon, chez Geoffroy de Monmouth. Et bien sûr, Mélusine......

La '' Fée '', réunion de la fée-marraine et de la fée-amante est très populaire au XIIe siècle... Elle est au coeur d'un scénario classique: « L'homme ( ou la femme ) à la recherche de son époux (se)»...


Sources : Présence et absence de l’alchimie dans la littérature romanesque médiévale, de la Renaissance et de l’âge baroque - Didier Kahn 

vendredi 21 avril 2017

Roger de Laron et le ''Grand Oeuvre'' -9/.- La Dame dans le conte: Reine et Fée.

Si le Roman de la Rose, La Divine Comédie et l'Amour courtois, sont connus et partagés par Marguerite et Roger de Laron ; les gens du Limousin, en ce XIVe siècle, connaissent en priorité ce qui se dit dans les veillées, dans les conversations, et à l'église du village... On y parle plus de diableries et de féeries, que de littérature ; plus de sorcellerie que d'alchimie …

Pourtant dans l'imaginaire, les fantasmes et dans les contes ; la place de la ''Dame '' reste essentielle...
En ce temps, le héros chevalier, a quitté sa terre, pour celle d'Avalon et la cour de Morgane. Attiré par sa bonne fortune ; le chevalier sait cependant que de la Terre d'Avalon : on ne revient pas ! « Puis que fortune en ce lieu me poursuyt / O dieu puissant, je voys appertement / Qu’il me faudra succumberau torment / De triste mort... »
C'est que la fée Morgane affiche un caractère ambigu... dans ''Le roman de Merlin'', elle apparaît comme : « Et sans faille elle fu bele demoisele jusques a celui terme que elle commencha apprendre des enchantements et des charroies ; mais puis que li anemis fu dedens li mis, et elle fu aspiree et de luxure et de dyable, elle perdi si otreement sa biauté que trop devint laide, ne puis ne fu nus qui a bele le tenist, s’il ne fu enchantés »

Avec Morgane, c'est l'Amour ou (et) la Mort ! Rappelons-nous Morgane qui enlève à trois reprises Lancelot et tient enfermés les mauvais amants dans le 'Val sans retour'. Ainsi, cette Morgue malfaisante s’affirme comme l’ennemie des valeurs de la fin’amor... Et, il y a débat entre l'adultère revendiqué en pays d'Oc et le mariage imposé en pays d'oïl...
La femme attendue en notre campagne, serait davantage celle qui offre un amour loyal et ferme, et scellé dans le mariage...
Aussi, dans le comte; la dame impose au chevalier une épreuve symbolique avant qu'il ne pénètre... plus avant: « Car il convient avant que de t’esbatre / Dedans mon regne aux fiers luictons combatre ». Dans cette prise de la forteresse, on reconnaît la traditionnelle allégorie sexuelle, d'autant que l'objet de la quête réside dans la possession de la dame...
Le chevalier vainqueur, Morgane le fait entrer « dedans fairie » : royaume de la fête, avec banquet et chant des fées... L'homme se délecte de l'ambroisie, boisson des dieux ( et censée rendre immortel celui qui y goûte), et Morgane lui offre l'anneau d’immortalité... Et, peut-être, pour qu'il ne la quitte pas, également une couronne d'oubli : objet féerique qui traduit également le fait que le chevalier est devenu Roi.
Pour le mariage, il revêt un vêtement de velours bleu brodé d’or, confectionné par la fée. Et Morgane, présente les traditionnels éléments féeriques d'une robe précieuse... « Elle exhorna son corps d’ung blanc Samis. Ses blonds cheveulx jusqu’en terre espandu / Maintz Chevaliers esbahys ont rendus.. »...
La fée a « le cueur net & pudicque. » et en même temps « Ce qui faisoit la belle consentir / Au jeu d’amours, et chaste feu sentir. »
Le mariage se clôt sur le traditionnel tournoi.
Au matin, le chevalier-roi découvre son domaine ; et s'engage dans de nouvelles épreuves Morgane lui annonce maintes étranges aventures sur cette terre, dont seul le meilleur chevalier saura venir à bout. Il devra s'enfoncer dans les entrailles de la terre et combattre des dragons... D'autres batailles rappellent certains épisodes du Roman de la Rose : non seulement l’assaut de la forteresse de Jalousie, mais également l’entrée dans le verger de Déduit... Une descente aux enfers, permettra sans doute au héros d'atteindre le paradis..

On peut ajouter que le roi-chevalier amant courtois par excellence, qui voit ses forces décuplées lorsqu’il pense à sa dame (Puis la beaulté de Morgue son amye, / Sa force rend en ce non endormye) et vainc les serpents et entre au jardin d’immortelle plaisance. Il a donc acquis ses terres par sa prouesse et non par son union avec la fée.
Après avoir gagné le mariage, le droit de régner, il reste le temps du pouvoir, en veillant à ne pas sombrer dans la ''recréantise'' ( paresse, qui l'amènerait à délaisser l'idéal chevaleresque) .


Sources : Morgue, fée de cour ? La féerie courtoise dans le Livre des Visions d’Oger le Dannoys au royaulme de Fairie de François Habert, par Alexandra HOERNEL

mardi 18 avril 2017

Roger de Laron et le ''Grand Oeuvre'' – 8/.- Dante et Béatrice

Marguerite d'Albret ( que l'on appellera un peu plus tard ''Dame Margot''), dans son monastère a reçu un enseignement alchimique... Elle a appris à connaître et travailler les ''formes'' de l'or... Un jour, alors qu'elle le maniait dans un but d'orfèvrerie, elle l'écoutait ''chanter'', quand lui apparut au-dessus du moule, la ''brume violette'' : très rare vision de l'or fondu passé du rouge, au vert... L'or avait changé de nature ! Sa maîtresse, alors, lui avait promis d'autres découvertes : elle était prête !
 "Sache que l'art d'alchimie est un don du Saint-Esprit." Cette parole se trouve dans l'Aurora Consurgens, traité alchimique attribué à Saint Thomas d'Aquin.

C'est peu après que Roger de Laron, est venu la visiter dans son monastère d'Aconbury. Considérée comme retenue recluse de force, selon sa cousine Jeanne de Geneville ( et de Lusignan) ; Roger de Laron s'occupe à l'enlever...
Je rappelle que son confesseur, n'avait pas été insensible à cette libre personnalité...
Impressionné par sa liberté de penser, le clerc a d'abord mis en garde la jeune et belle postulante; puis s'est laissé emporté par une passion sensuelle, dont le diable ne pouvait en ce lieu ne pas être étranger.
Le confesseur attaqué par le démon de la luxure, ne savait plus comment empêcher la passion qui naissait entre Marguerite et son chevalier... 
Désespéré, le clerc a fait appel aux forces du mal et conclut un pacte innommable... Innommable, parce qu'il entraînait avec lui, la belle Marguerite ; comme mon récit - plus tard - tentera de vous le montrer ….


Auparavant, lors de son passage en Italie, Roger de Laron, a fréquenté une société de gens lettrés, héritière des troubadours et des chevaliers chrétiens ( en particulier de l'Ordre du Temple, dissout.). De plus, une connaissance acquise grâce au contact avec les sarrasins, a initié nombre de templiers à l'alchimie...

Dante Alighieri ( 1265-1321), a fait partie de cette société appelée '' Les Fidèles d'Amour''. De même, que Guido Cavalcanti ; puis plus tard, Boccace et Pétrarque. Et, chez tous ces auteurs, les femmes, qui les accompagnent ne sont pas seulement réelles; elles sont toutes, sous différents noms, qu’une seule et même « Dame » symbolique, qui représente la '''Madonna Intelligenza '' de Dino Compagni) ou la Sagesse divine. A cette époque, rien d'étonnant ; n'oublions pas que saint Bernard, dont on connaît la connexion avec les Templiers, apparaît lui-même comme un « chevalier de la Vierge », qu’il appelait « sa dame ».
Plus étrange apparaît une phrase de Boccace dans une des premières nouvelles du Décaméron : en effet, Melchissédec affirme que, entre le Judaïsme, le Christianisme et l’Islamisme, « personne ne sait quelle est la vraie foi »... !

Dans les œuvres de Dante, nous retrouvons des références au Templiers. Par exemple :
Dans le Paradis (Chant XXX) de La Divine Comédie (1), Béatrice, dans l'Empyrée, est entourée et protégée par « une assemblée de blancs manteaux » qui pourraient être les chevaliers du Temple, reconnaissables à leur prestigieux manteau blanc frappé d'une croix pattée rouge sur l'épaule.
Dans le Purgatoire, chant XX, Philippe le Bel est un second Ponce-Pilate qui cruel « porte sans rescrit, ses voiles avides dans le Temple ». Et, au chant XXVII, Dante se souvient avoir assisté au supplice de Jacques de Molay et de Geoffroy de Charnay sur le bûcher, le 18 mars 1314, à Paris.
D’ailleurs on pense que Dante a pu rencontrer Jacques de Molay, le Grand Maître de l'Ordre du Temple, juste avant son arrestation ; on ne connaît pas vraiment la raison de cette entrevue mais il semble bien qu'elle ait eu un rapport avec l'appartenance de Dante à l'Ordre des Fidèles d'Amour.
On pense aussi à la signification des '' Cieux '' donnée par Dante dans sa Divine Comédie : les 9 '' Cieux '' sont les degrés de la hiérarchie initiatique qui mènent à la '' Terre Sainte ''...
Au Chant XXXI du Paradis, Béatrice remet Dante aux bons soins de Saint Bernard qui le conduira devant Dieu...Saint Bernard, qui a établi la Règle de l'Ordre du Temple.
René Guénon, pensait que la ''Fede sante'' était précurseur de la ''Rose-Croix''...


Revenons à Dante et à Béatrice, et leur ''histoire'' :

Béatrice  était la fille de Folco Portinari et l'épouse de Simone dei Bardi. L'amour courtois, dont Dante poursuit la tradition au sein des Fidèles d'Amour, exclut en effet que les liens amoureux coïncident avec ceux du mariage, que gouvernent la politique et l'économie dynastiques).
Dante, tout jeune ( il a 9 ans : à rapprocher peut-être aux neuf années de probation des Templiers ), a déjà rencontré Béatrice (Portiniari) lors d'une fête d’enfant, il ne la reverra pas avant d’être un jeune adulte.. Neuf ans plus tard, il la croise dans la rue. Il la croise dans la rue et c'est ''elle'' qui le salue. Un autre jour dans une église, il voit de loin Béatrice... De loin, elle est à l’opposé d'où il se trouve. Il entre en contemplation.
Ce même jour, alors que Dante contemple Béatrice, entre lui et elle, est placée une jeune fille fort belle. Tout le monde sachant que Dante est amoureux, mais ignorant qui est l’objet de toute son attention, pense que c’est elle, cette dame qui capte son regard : le secret amour de Dante.

Dante, désire garder son secret, et il ne contredit pas l’affirmation... Ainsi, Béatrice, comme tout le monde, le pense … Et, lors de leur dernière rencontre, Béatrice refuse de saluer Dante, et se moque de lui. Puis, très vite, Béatrice vient à mourir, et laisse Dante désespéré.

Un jour qu’il  pleure à la fenêtre de sa chambre au souvenir de Béatrice, une jeune fille qui ressemble curieusement à Béatrice le voit d’un balcon voisin, compatissante, elle lui sourit et lui, finit par lui rendre le sourire, il lui écrit un sonnet... Puis, il juge qu'il s'est trompé, égaré... Dépité par son action, il en tombe malade et pendant son délire, il a la vision de Béatrice telle qu’il la magnifie. Cela lui inspire cette réflexion : «j’espère, si Dieu me prête vie, pouvoir dire d’elle ce qui ne fut jamais dit d’aucune ». 
Au chapitre XVIII de la Vita Nova (2) , Dante s'explique. Alors qu'un groupe de jeunes filles, mené par Jeanne Primavera, lui demande pourquoi il aime Béatrice alors qu'il s'effondre à sa vue et la fuit depuis qu'elle a répondu à son salut par le dédain, Dante répond : « Mes dames, la fin de mon amour a été naguère le salut de cette dame de qui peut-être vous voulez parler, et c'est en lui que résidait ma béatitude laquelle était la fin de tous mes désirs. Mais depuis qu'il lui a plu de me le refuser, mon seigneur Amour, grâces lui soient rendues, a placé toute ma béatitude en ce qui ne me peut m'être ôté ».

Jeanne et ses amies se concertent et finalement lui demandent de préciser d'où il tire cette béatitude. Dante réplique, avec son orgueil habituel et le plus naturellement du monde : « Dans les paroles qui louent ma dame ». Mais Jeanne lui dit : « Si cela était vrai, les vers en lesquels tu as dépeints ton état, tu les aurais tournés d'une toute autre manière ». Alors Dante repart, il demeure plusieurs jours anxieux et excité jusqu'à trouver des vers qui feront trembler les gens d'amour...

Comme toute histoire ; celle que nous partage Dante, a multiple significations...
Par exemple : Béatrice est l'aimée qui peut faire voir à Dante, la beauté divine. Béatrice représente la Théologie ; et Dante, dans ''Il Convivio'', dira très clairement de la jeune fille qui ressemble à Béatrice, qu’elle représente la Philosophie. «Je dis et affirme que la dame que j’aimais, après le premier amour, fut la très belle et très honnête fille de l’Univers, à laquelle Pythagore imposa le nom de Philosophie ».


(1) La Divine Comédie de Dante narre l'itinéraire fictif de l'auteur, sous la tutelle de trois femmes, Marie, sainte Lucie et Béatrice, dans l'outre-tombe, en l'an jubilaire 1300.

(2) La Vita Nuova, se compose d'une trentaine de poèmes, des sonnets pour la plupart, qui brûlent d'une ardeur amoureuse et mystique à la fois.

vendredi 14 avril 2017

Roger de Laron et le ''Grand Oeuvre'' – 7/.- Le Roman de la Rose

Roger de Laron, comme nous l'avons vu, a fait la jonction entre Chypre, L'Italie et l'Angleterre. 
Les liens sont Templiers, cependant l'Ordre n'existe plus. D'autres associations vont permettre à tous ces hommes et femmes, de maintenir leur lien et leurs connaissances... 
Ainsi en est-il de la ''Fede Santa'' ou des ''Fidèles d'Amour'' … Dante Alighieri ( 1265-1321), a fait partie de ces deux groupes. 
La Rose devient l'emblème de ceux qui se réunissent ''sub rosa'' ( sous la Rose), ralliement des compagnons qui préservent un savoir ''fragile''... La Rose symbolise très bien la connaissance parfaite et l’aboutissement triomphant du Grand Oeuvre et de la Quête du Graal...


Nous reviendrons, bien sûr à Dante... Mais avant cela, il nous faut comprendre, l'apport de la culture littéraire de l'époque et de ''La Rose'' en particulier...

Marguerite d'Albret que je symboliserai par une ''rose'' a rencontré Roger qui représenterait alors la ''croix''... Leur destin restera lié ; et ils ne se quitteront plus, sinon par la mort...
Pourquoi la ''rose'' ? - Parce qu'elle fait partie du vocabulaire de l'amour courtois... Elle symbolise la connaissance cachée ( un chemin chargé d'épines …), la découverte de la Pierre Philosophale, et la rose épanouie représente la seconde naissance... Et, la rose est femme !
De plus, en couple, chacun peut suivre une voie. La voie au creuset (voie sèche), ou la voie à l'alambic (voie humide).
La voie humide – voie longue et riche - comprend les macérations, le travail dans des cavités... C'est la voie des ''conteurs'' ( le conte est l'image d'un secret)... C'est une voie spirituelle, et se dit ésotérique...
La voie sèche, accessible aux aventuriers, aux voyageurs( le ''voyage en Orient''), au vieux chercheur à la veille du soir de sa recherche, et à celui qui retrouve son cœur d'enfant : c'est l'oeuvre au noir. Cette voie longue est ''exotérique'' ; elle agit. Plus rapide, plus risquée...
Ces deux voies laissent entrevoir la complexité du chemin, et de tous les croisements possibles … Quand elles s’installent ensemble, on dit que ce cheminement emprunte la Voie de la Main Gauche, ou Droite, selon qu'il y ait pratique sexuelle ou non …
Tout ceci, c'est la théorie... mais les passions ajoutent beaucoup d'obstacles sur le Chemin, et parfois la Voie débouche sur le Chaos...

La rose était au moyen-âge ce que nous appelons aujourd’hui l’aubépine, la rose sauvage. La ''blanche épine'', représente une protection pour que les secrets soient bien gardés.

Le Roman de la Rose (1260) de Guillaume de Lorris (1200-1238) et achevé par Jean de Meung (1240-1304) sous une forme légère, reprend les mystères de l'Alchimie; ainsi, au-delà des péripéties amoureuses, se cache un message...
« Si quelqu'un me demande comment je veux que ce récit soit intitulé, je répondrai que c'est le Roman de la Rose où tout l'Art d'amour est enclose... Que Dieu me fasse la grâce que celle-là l'agrée, à qui je le destine: c'est celle qui a tant de prix et qui est si digne d'être aimée qu'on doit l'appeler la Rose ». Guillaume de Lauris

Le roman est présenté comme un rêve... L’Amant se lève, dans son songe, de bonne heure et part se promener. Il rencontre un jardin protégé par une haute muraille fortifiée, sur laquelle il y a des peintures représentant les vices en guise d’images (Haine, Félonie, Vilenie, Convoitise, Avarice, Envie, Tristesse, Vieillesse, Papelardie ou hypocrisie, Pauvreté). C’est le jardin de Déduit (Plaisir); la représentation des vices sur la paroi extérieure du mur semble annoncer que quiconque tente d’entrer doit laisser ces vices dehors.
Entré en rêve dans le jardin où réside le dieu d’Amour, le narrateur y tombe amoureux d’un bouton de rose. L'Amant est alors accueilli par une série de personnifications dont les unes préfigurent les avancées, les autres les reculs de l’Aimée, qui se présente d'abord sous les traits de 'Oiseuse'.
Oiseuse, sous le double signe de la disponibilité et du plaisir, apparaît comme la figure médiatrice ambivalente, la clef qui donne accès à la fois à l’expérience amoureuse et à l’expérience littéraire sous son aspect herméneutique et hédoniste.
C'est qu'autour de la Rose évolue le ballet des complices et des adversaires de l'Amour, conduits respectivement par 'Bel-Accueil' et par 'Danger' (ce dernier symbolise les obstacles de toute sorte que rencontre la passion). 
« Celui qui lira ce songe jusqu'au bout y apprendra beaucoup touchant les jeux d'amour, pourvu qu'il veuille bien attendre que j'élucide et interprète mon songe. La vérité qui est couverte d'un voile lui sera alors évidente... Je savais que je ne pouvais guérir que par le bouton (de Rose) que je convoitais de toute mon âme. » Guillaume de Lauris
De même, que le '' Dormeur'' doit desclore la rose, le lecteur doit desclore le sens allégorique...

Au début, au centre du jardin carré de Déduit, est la Fontaine de Narcisse. Au fond de son bassin se trouvent deux pierres de cristal qui reflètent, suivant le côté où on les regarde, une moitié ou l'autre du jardin. Cette première fontaine, si trouble que " quiconque y met la tête pour se mirer n'y voit goutte ", c'est le but du premier œuvre, le dissolvant universel, la coction au cours de laquelle le mercure et le soufre seront unifiés par le sel et, par la putréfaction, mèneront à l'œuvre au noir.


Par-delà cette fontaine, au-dessus d’une haie d’épines, l’Amant aperçoit un bouton de rose sur sa tige. Aussitôt le dieu Amour le larde de cinq flèches, dont une à l’œil qui arrive droit au cœur.
Largesse, Jeunesse, Beauté et d’autres ( figures positives ) délivrent des conseils à l’amant pour conquérir la rose.

Tout irait bien, pourtant, si ce paradis n’était plein d’esprits contraires, de dangers, de peurs, de méfiance et de jalousie.
'Bel Accueil', qui a pitié du pauvre amoureux, l’aide à franchir la haie d’épines. A cet instant apparaît, furieux, 'Danger', armé d’une énorme massue, qui met en fuite les amis. Bel Accueil, d’ailleurs, sera empoisonnée, heureusement sans en mourir. Jalousie enferme la Rose dans une tour, mais l’Amant a pu obtenir un baiser d’elle.

( La partie du roman de Guillaume de Lorris s’arrête là)

Il faut noter que l’image négative de la femme - par l’ecclésiastique Jean de Meung - a profondément choqué Christine de Pisan (1364-1430)... En effet, la continuation de l’ouvrage, entreprise par Jean de Meung, procure un contraste saisissant avec la première partie.

L’amant doit recourir aux bons offices d’une vieille femme expérimentée, qu’il faut payer, s’entend, et par son intermédiaire faire parvenir à la femme des présents. On peut, certes, leur ajouter des poésies, mais qu’il ne se fasse nullement illusion, ils seront de peu de secours... La meilleure route qui mène au coeur des femmes est le chemin de Trop Donner...
Une première tentative d’assaut, menée par le dieu d’Amour, échoue. Il faut que sa mère Vénus accoure à son secours, sur un char que tirent des colombes. Nature, qui avait songé d’abord à laisser périr la race des hommes, ainsi que son compagnon Génius entreprennent le siège du château où a été enfermé Bel Accueil. La déesse Vénus, exécutrice des oeuvres de Nature, somme Honte et Peur de se rendre (ce langage est trop transparent). Enfin la déesse jette un brandon allumé dans la tour. Bel Accueil est délivré et l’Amant peut enfin cueillir sa rose.

« Lorsque je me fus approché de la rose, je la trouvai un peu grossie, et remarquai qu'elle avait crû depuis que je ne l'avais vue de près ; elle s'élargissait par en haut ; je vis avec plaisir qu'elle n'était pas ouverte au point de découvrir la graine, mais qu'elle était encore enclose de ses feuilles qui se tenaient droites et remplissaient tout le dedans. Pleine et épanouie, elle était, Dieu la bénisse!, plus belle et plus vermeille qu'auparavant. Je m'ébahis de la merveille et je sentis qu'Amour m'enlaçait de ses liens plus fort que jamais. »
Derrière l'allégorie sexuelle évidente, le processus alchimique est bien caché, mais aussi bien présent.

A la fin, est la Fontaine de Vie, située au centre du Parc de l'Agneau, qui a la forme d'un cercle parfait. Et au fond est placée une escarboucle ( pierre précieuse grenat rouge) admirable, dont les vertus sont longuement décrites. Cette escarboucle flamboyante, c'est évidemment la Pierre Philosophale, située au centre du Paradis Terrestre ouvert à l'Adepte...
La rose symbolise le processus alchimique, et la rose rouge plus particulièrement l'obtention de la pierre philosophale. L'Amour symbolise la Foi qui anime les Alchimistes


« Avant que je partisse de ces lieux où je fus encore demeuré volontiers, je cueillis à grande joie la fleur du beau rosier feuillu, et j'eus la rose vermeille. Alors il fit jour et je m'éveillai. »

mardi 11 avril 2017

Roger de Laron et le ''Grand Oeuvre'' -6/.- Dame Margot et Isis

Voici à présent un enseignement délivré par des femmes, d'Isis à la lignée de Marie-Madeleine, dit-on. On peut penser que cette gnose, ou cette voie opérative d'amour alchimique, est apportée par Dame Margot, à Roger de Laron.
Les sources appartiennent à un traité nommé : ''Lettre d’Isis à Horus'' ( texte égyptien du IIIe s.). Dans ce texte la déesse égyptienne apprend d'un ange au nom hébraïque, Amnaël, tout en lui offrant ses faveurs, le secret de la préparation de l'or et de l'argent... L'ange dévoile à Isis le mystère de la chrysopée et de l'argyropée ; la déesse obtient cette révélation tout en cédant au désir d'Amnaèi, qui s'était épris d'elle... Isis, fait le serment qu'ainsi initiée, elle ne communiquera à personne le secret, si ce n'est à son fils Horus.

Qui est Isis ? Isis est une reine mythique et la déesse-mère de l’Égypte antique. Elle est la sœur et l’épouse du roi Osiris...  Elle est représentée, le plus communément, comme une jeune femme coiffée d’une perruque surmontée par un disque solaire inséré entre deux cornes de bovidé. Isis est l’une des déesses les plus populaire du panthéon égyptien. Le culte d’Isis est actif tout au long de l’histoire de l’Égypte antique et ne s’éteint qu’au cours des Ve et VIe siècles. Face à la montée du christianisme, le culte d’Isis périclite puis disparaît au tournant des Ve et VIe siècles de notre ère. Toutefois, le souvenir d’Isis ne disparaît pas car entretenu par la scolastique monacale et universitaire.
Isis enseignant les sciences
 à Moïse et Hermes Trimégiste (Pinturicchio)
 - Borgia_Apartment
En effet, dès le 1er siècle av. J.-C., le culte d’Isis se répand en dehors de la péninsule italienne vers le reste de l’occident européen par les routes alpines et vers l’Orient grâce aux marins et marchands égyptiens et syriens. En Gaule, en Germanie et en Bretagne, l’implantation du culte d’Isis est la conséquence de la colonisation romaine et la pénétration du culte correspond aux grands axes marchands, principalement la vallée du Rhône.. La présence d’un temple d’Isis est attestée à Nîmes (Nemausus), une ville fondée par Auguste pour des vétérans militaire revenus d’Égypte.
Sexualité et connaissance de la Nature sont, ici, étroitement liées...
Depuis l’Antiquité, la pensée européenne est traversée par l’idée du secret de la Nature. Cette idée est formulée pour la première fois sous l’aphorisme: « La Nature aime à se cacher » par Héraclite d’Éphèse, un philosophe grec de la fin du VIe siècle av. J.-C.. Dans l’art, ce secret est fréquemment personnifié sous les traits de la mystérieuse Isis qui selon Plutarque ne se laisse point dévoiler par les mortels.
Isis-Aphrodite soulevant sa tunique
 - Ägyptisches_Museum_Leipzig


A partir du IIe s. av. J.-C. sont mis en circulation les premiers écrits alchimiques attribués à Hermès Trismégiste. Ainsi commence ce qu’on appelle « la tradition hermético-alchimique ».
Le soulèvement de la robe et le dévoilement du sexe féminin d’Isis (ou des déesses qui lui sont identifiées) est un motif mythique et iconographique attesté en Égypte.
Isis est le symbole de l’énergie magique féminine, de la nuit, de l’eau et sa puissance se manifeste principalement dans les phases de la Lune.
En tant que déesse symbolisant la Nature et ses mystères, Isis devient la « Mère alchimie » qui préside au Grand-Œuvre et à la transmutation des métaux (plan physique) et des âmes (plan psychique).
Dans l'Egypte antique, l’énergie divine réalisée dans le corps, est nommée ''Ka'' 
L'Amour alchimique, représente l'acte sexuel comme l'union de deux corps ''Ka'', sortes de pouvoirs serpentins qui montent le long des épines dorsales des amants, jusqu'au sommet du crâne, les plongeant dans une extase, une expérience représentée par l'uraeus ( ou uroeus) ( deux cobras dressés)

On dira que le serpent lunaire, du côté gauche, est d’un noir profond, la couleur du vide ; et de fait, c’est le vide incarné lui-même, porteur de toutes les potentialités et créateur de toutes choses.
Le serpent solaire est doré. Ces deux serpents s’élèvent. Tandis qu’ils montent, ils s’entrecroisent. Ils se font face au centre de la tête. Les deux serpents sont vivants, à savoir, ils ne sont pas immobiles, ils vibrent, scintillent et sont parcourus par des ondes.


L'amour alchimique apprend aux femmes à libérer leur énergie, et aux hommes à la transformer.

samedi 8 avril 2017

Roger de Laron et le ''Grand Oeuvre'' -5/.- Dame Margot et le Grand Oeuvre

Roger de Laron revient d'Angleterre avec une jeune femme, de la lignée des Lusignan, que nous connaissons sous le nom de ''Dame Margot''.

Cette femme, a reçu dans un monastère féminin régit par des Templiers, un enseignement alchimique... Cela peut paraître surprenant... Rappelons-nous quelques faits qui rendent cette situation envisageable...
Depuis 1129, les Templiers sont présents à Londres... Les Templiers pratiquent aussi l'alchimie et la rumeur de certains, d'ailleurs, n'hésitent pas à rapporter que leur fortune pourrait être issue du plomb transformé en or.
Les Templiers portent une vénération particulière à "Marie-Madeleine". Dans leur règle, ils doivent allégeance à Béthanie, la seigneurie de Marie et de Marthe. L'absolution Templière dit ceci : "Je prie Dieu qu'il pardonne vos péchés, comme il les a pardonné à Sainte Marie-Madeleine et au larron sur la croix". 
Aussi, n'oublions pas que l'Ordre a accepté des femmes qui prêtaient serment, surtout dans le Languedoc, avant qu'une modification ultérieure de la Règle interdise spécifiquement aux Templiers de les accepter dans leurs rangs. Ce qui s'est passé officiellement, sauf – en particulier en Ecosse, dans certaines commanderies, qui se sont adjoint un monastère féminin...

Une ''gnose'' s'est ainsi développée autour d'une doctrine alchimique, égyptienne, reformulée et exposée par les Templiers d'après des sources sarrasines...
Ainsi, cette gnose célèbre Sophia ( intimement associée à Marie-Madeleine ), elle correspond à la déesse grecque Athéna et à l'égyptienne Isis... On peut dire que cette doctrine croit fermement en un principe féminin.

Les églises bâties par les Templiers sont le plus souvent circulaires, s'inspirant du modèle de l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Mais aussi, peut-être le symbole d'un univers rond, et plus probablement celui de la féminité. Cercles et cycles sont toujours associés aux déesses et au principe féminin, tant en ésotérisme qu'en biologie. 

L'Alchimie que rencontre ''Dame Margot'' en Angleterre, consiste en un travail et une expérimentation sur les métaux, pour atteindre le Grand Oeuvre en transmutant un métal vil en or. Parallèlement, l'individu est invité à accéder à l'illumination spirituelle et à se trouver physiquement revitalisé grâce à un processus, qui l'amène au Grand Oeuvre, acte d'initiation suprême. 
Le symbole alchimique du Grand Oeuvre est l'hermaphrodite, représenté par l'union du Dieu Hermès et de la Déesse Aphrodite. Certains imaginent même en ce XIV e siècle, que la réussite alchimique peut produire une transformation si profonde, que celui qui y parviendrait risquerait de changer de sexe... ! A Chartres, la pseudo Reine de Saba porte la barbe. On trouve des symboles alchimiques dans toutes les cathédrales associées aux Chevaliers du Temple.

Dame Margot, va s'imprégner de la littérature arthurienne, en particulier de ce qui évoque la Quête du Graal... Pour les Templiers, cette Quête est l'allégorie du voyage spirituel du Héros vers sa propre transformation intérieure. L'expérience du Graal est exclusivement réservée à ceux qui font le Chemin, vers l'objet sacré, quel qu'il soit, était toujours gardé par des femmes.


mercredi 5 avril 2017

Roger de Laron et le ''Grand Oeuvre'' -4/.- la Fin'amor

Mon objectif, est de faire le lien, avec Roger de Laron, entre diverses connaissances qui se côtoient et se rencontrent en cette extraordinaire période du Moyen-âge, avant la rationalisation revendiquée par l'époque moderne qui suit … Un chevalier lettré peut rencontrer l'alchimie, l'amour courtois et la légende du Graal ( par exemple) et comprendre ce qui les lie...

Entre le XIe et le XIVe siècle, ce sont pas moins de 500 troubadours qui ont parcouru nos régions occitanes, pour créer et propager leurs œuvres... De quoi parlaient-elles ? D'amour sans aucun doute, et d'Amour Courtois; et d'autres choses qui n'étaient pas de simples jeux d'esprit.

Le troubadour, Guiraud Riquier (1230-1292 - de Narbonne), déclare : « Les troubadours sont des hommes doués par Dieu d’un grand savoir, fait pour éclairer l’univers, aussi estimables par leur conduite que par leur science. » la langue d'Oc se prête aux jeux de mots, aux équivoques, aux logogriphes (anagrammes) et au double, voire au triple, sens phonétique. Trobador (qu’on prononce troubadour) vient de trobar. Que veut dire ''trobar''? En langue d’oc cela signifie à la fois inventer, découvrir et s’exprimer par tropes, c’est-à-dire « employer les mots dans un sens différent de leur sens habituel » (Littré)
Rimbaud d’Orange (1140-1173), déclare : « Pour savant je tiens sans nul doute / Celui qui dans mon chant devine / Ce que signifie chaque mot. »
La ''fin Amor'' est très strictement codifié. Pour pouvoir approcher la Dame , le troubadour doit tout d’abord être ''réveillé ''...

Pour cela, La Dame impose au troubadour une série d’épreuves qu’il doit subir l’une après l’autre avec succès. Parmi celles-ci, l'épreuve ultime du chevalier, appelée « asag », consiste à passer une nuit au lit avec la femme complètement nue, sans accomplir aucun acte charnel...
A la suite de quoi le troubadour agréé est soumis à de sévères obligations envers sa Dame ; tout d’abord, il est tenu au ''celar'', c’est-à-dire au secret ; il est ensuite astreint au ''dommeil'', c’est-à-dire à l’allégeance. Sa passion poussée à son paroxysme peut mener le troubadour à désirer la mort per amor, la mort par amour. Et cette passion dispense alors ''gautz e Jovens'', c’est-à-dire joie et jouvence.
Plus que d'amours humaines, les troubadours créent un charme et une profondeur d'un sens caché... Ce rituel comprend enseignement, épreuves, secret et le thème de la mort symbolique suivie d'une nouvelle naissance. Sous le voile d’une poésie amoureuse, la poésie des troubadours est une poésie alchimique.

La science des troubadours rejoint l’alchimie.
Et, la dame qu’ils courtisent : le troubadour Guiraud de Borneil (1138-1215) la qualifie de «  Vrai lumière » ; le troubadour Guillaume de Poitier nous dit « Par elle seule je serai sauvé. » Le troubadour Uc de Saint Circq l’invoque en ces termes : « Prenez ma vie, Dame de dure merci, pourvu que par vous au ciel j’arrive. »...
C’est de surcroît une dame secrète. En effet les troubadours ne désignent leur Dame par son vrai nom mais seulement par un nom convenu (le senhal) : l’un l’appelle Béatrix, l’autre Aimant, et un autre Consolation…
Tout ces phrases des troubadour essayant de définir, ou de la  nommer leur Dame, est en rapport étroit avec l’alchimie.

Et... Avec le Graal !
« La dame qui avait reçu du Graal lui-même mission de le porter avait pour nom Répanse de joie »
Voila qui n’est pas sans rapport avec la dame de la  fin'amor des troubadours qui dispense, répand la joie.
Un extrait du cortège du Graal de Wolfram d'Eschenbach:


« Derrière elles venait la reine. Son visage rayonnait d'un tel éclat que tous crurent voir le jour se lever. Elle était vêtue d'une soie d'Arabie. Sur un tissu de vert achmardi elle portait un objet si auguste que le Paradis n'a rien de plus beau, chose parfaite à quoi rien ne manquait et qui était tout à la fois racine et floraison. Cet objet, on l'appelait le Graal. Il n'était sur la terre chose si merveilleuse qu'il ne la surpassât. La dame, qui avait reçu du Graal lui-même mission de le porter, avait nom ''Répanse de Joie''. 
La nature du Graal était telle qu'il fallait que celle qui en prenait soin fût d'une pureté parfaite et qu'elle s'abstînt de toute pensée déloyale....
Devant le Graal on portait des luminaires de très haut prix : c'étaient six vases de verre, longs, transparents et beaux, où une huile embaumée brûlait en donnant une haute flamme. Quand la reine et les damoiselles qui portaient ces vases remplis d'huile eurent franchi la porte et se furent avancées jusqu'à l'endroit où elles devaient se tenir, elles s'inclinèrent courtoisement. La reine au coeur loyal posa le Graal devant le maître du château. L'histoire nous dit que Perceval regarda à maintes reprises la dame qui portait le Graal et eut la pensée tout occupée d'elle ; il avait d'ailleurs sur ses propres épaules le manteau de la reine. Ces sept dames, avec une noble décence, allèrent ensuite se placer près des dix-huit autres damoiselles. 
»

dimanche 2 avril 2017

Roger de Laron et le ''Grand Oeuvre'' -3/.- Raymond Lulle

Roger de Laron, a eu – par deux fois - la grande chance de rencontrer Raymond Lulle (1235-1315) :
Raymond Lulle  (1235-1315)
un philosophe catalan qui éprouvait quelques difficultés à faire partager son système de pensée. La première rencontre eut lieu en Italie, avant le jour maudit de 1307. Roger fut profondément marqué par le récit qu'il fit de sa conversion..

D’une famille noble, Raymond Lulle vit à la Cour dès l’âge de douze ans. Ardent et plein d’imagination, il se livre jusqu’à trente ans aux plus vives passions amoureuses et littéraires.
son éducation est celle d'un gentilhomme, et non celle d'un clerc. Il se fait troubadour, et ses poèmes en l'honneur de mystérieuses Dames s'incarnent volontiers en des enveloppes terrestres terriblement séduisantes, et l'adorable climat de Majorque éveille de bonne heure sa sensualité.
On le marie vite, à une charmante fille noble, du nom de Bianca, en 1257. Mais les joies de ce foyer qui lui donne deux enfants, ne lui font pas oublier oublier les dangereux attraits de l'aventure. Il continue à courtiser de belles femmes et devient – comme il le dit - un jeune seigneur orgueilleux, insolent, infatué de sa noblesse... Et cela dure jusqu'en 1265.

Les amants trépassés, 1470
Le jeune « caballero », tombe amoureux fou d'une noble dame génoise, il la poursuit de ses poèmes et aussi de ses assiduités. Un jour, étant à cheval, il la rencontre dans la rue... Il pénètre sans quitter sa monture dans l'Église Sainte Eulalie où elle s'est réfugiée pour lui échapper ; il lui déclare à nouveau sa flamme... La jeune femme, va alors employer, pour le détourner d'elle, un procédé brutal mais efficace: devant Raymond Lulle, qui a finalement réussi à forcer la porte de sa demeure, elle dégrafe son corsage et lui montre sa poitrine, déjà horrible, qu'un impitoyable cancer a commencé à ronger.
Non seulement le jeune homme, horrifié, se trouve libéré d'un seul coup de la sensualité furieuse qui le brûlait, mais il vit alors l'expérience d'une conversion soudaine et totale... II distribue tous ses biens aux Pauvres, fait vœu de chasteté et décide de consacrer désormais toute sa vie, vouée à l'errance perpétuelle, à un grand dessein : convertir les musulmans à la foi chrétienne...

L'''ars magna'' de Raymond Lulle consisterait à édifier par la logique un édifice de vérités philosophiques, théologiques et ''scientifiques''.
Raymond Lulle va mourir à un âge avancé, en plein apostolat, lapidé par les habitants du port algérien de Bougie (aujourd'hui Ânnaba), devant lesquels il avait trop intrépidement prêché la conversion au christianisme.
Cependant, il rencontrera une nouvelle fois Roger de Laron, et lui transmettra son rêve alchimique. Cette rencontre fondatrice pour Roger, a lieu, lors d'un séjour à Montpellier, en présence du grand médecin Arnauld de Villeneuve: les trois hommes auraient évoqué le Grand Oeuvre et le secret de la Pierre Philosophale.

Raymond Lulle, dans sa vieillesse, et dans ses confidences à Roger, regrette de n'avoir compris, trop tard, que la poursuite des opérations du Grand Oeuvre, ne pouvait véritablement et opérativement se réaliser qu'en couple...

Roger de Laron retient que les véritables alchimistes, sont le couple hermétique. L'union d'un homme et d'une femme, contribue à la réussite du Grand Oeuvre, cette voie préconise, pour l'atteinte de l'illumination et des pouvoirs alchimiques, l'union concrète avec une partenaire ''prédestinée''. L'image hermétique traditionnelle de l'androgyne correspond opérativement à la conjonction des deux principes : Soufre et Mercure, du Grand Oeuvre minéral... Aujourd'hui, nous nous parlerions d'une union psychique à réaliser entre les deux composantes - masculine et féminine (en langage jungien : 1' Animus et l' Anima) - de l'âme.

Raymond Lulle imagine qu'uni à sa compagne ''prédestinée'', l'adepte peut alors reconstituer avec elle l'androgynat céleste perdu lors de la chute originelle.
Il pourrait reconquérir l'immortalité adamique, devenir le maître de toutes les forces de la nature.

Le principe de cette voie serait, si on comprend bien, de parvenir en quelque sorte à retourner l'énergie sexuelle dans le corps de l'adepte pour réaliser les conséquences thaumaturgiques d'une remontée de l'homme et de la femme (redevenus uns) capables de retrouver la source perdue de l'immortalité...

Nous comprenons mieux, alors, la Quête de Roger de Laron, qui grâce à son séjour en Angleterre, reviendra sur ses terres avec Marguerite d'Albret, elle-même, comme nous l'avons vu, adepte des recherches hermétiques …

Plus tard ( en ce même XIVe s.) Nicolas Flamel et Dame Pernelle ( fig à droite) tenteront - avec succès dit-on - cette même Quête …