samedi 30 mai 2015

L'étonnement, et le doute -2/2-

L'étonnement dans la ''Quête'':
Cette réflexion me conduit naturellement à la mystique ( toute cistercienne …) de la Quête du Graal.

En effet « mystique » veut dire « entrer dans le mystère ». Dans la tradition ancienne, le « mystère » correspondait au rite, au sacrement … Entrer dans ce voyage symbolique, c’est partir en « quête », et d’échec en victoire,

Perceval atteint le château, mais manque le but, faute d’étonnement exprimé… ! Qu’il est donc difficile d’entrer véritablement dans sa question, et de la formuler… ! Et pourtant, l’enfant que nous étions ne craignait pas de vivre et d’exprimer son étonnement ! Du latin « extonare », signifiant frappé de la foudre, du tonnerre, l’étonnement fut de nos premières émotions fortes.

Jon_Krause


« Celui qui ne peut plus trouver ni étonnement, ni surprise, est pour ainsi dire mort, ses yeux sont fermés » (Albert Einstein dans Comment je vois ce monde, publié en 1934).
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"Aucun savoir ne peut résoudre l’étonnement de notre vie. Aucune illusoire maîtrise ne peut détourner le cours de l'insouciant ruisseau qui va en nous et ne sait où il va, accédant à des instincts en friche, bouleversant des terres sans âge, dont le soulèvement se confond alors avec douleur qui nous vient, insupportable, radieuse." ~ Christian Bobin  (Le huitième jour de la semaine)

Oui, je m'étonne... bien sûr, que l'Univers soit; de mes pensées, de mes sensations... L'étonnement existentiel; et celui immense de l’œuvre d'art, du patrimoine laissé par nos anciens, celui éprouvé par ces morceaux de culture, d'histoire … 
Oui, mais il y a aussi tous ces petits étonnements de la vie quotidienne: la passion qui fait agir cette personne, cette opinion à l'opposée de la mienne que je ne comprends pas...
Jon_Krause

Je m'étonne :
- que l'on emploie si facilement le mot ''aimer'',
- que la messe dominicale, soit une (la) conséquence de la vie, la mort de Jésus il y a deux mille ans 

Quand, je tente d'être un militant, je m'étonne des fortes convictions des militants...
Quand, je tente d'être un catholique, je m'étonne de ceux qui disent l'être...

Je m'étonne, que l'on puisse vivre en banlieue parisienne, métro, boulot, dodo... sans craquer...
Je m'étonne d'avoir eu un boulot intéressant, d'avoir 'gagné ma vie'... et que l'on dise 'gagner sa vie' pour ce genre de choses.
Je m'étonne de tous ceux qui se soucient du prochain, avant eux-même...
Je m'étonne de l'espérance, de la foi et de l'amour....

Jon_Krause

mercredi 27 mai 2015

De l’étonnement au doute, et du doute à l’éveil … -1/2-

"S'étonner, voilà un sentiment qui est tout à fait d'un philosophe. La philosophie n'a pas d'autre origine". Platon dans le Théétète.

« Ce fut l'étonnement qui poussa, comme aujourd'hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques. (…) Apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance (et c'est pourquoi aimer les mythes est, en quelque manière se montrer philosophe, car le mythe est composé de merveilleux) ». Aristote (Métaphysique)

Fréderic Midal ajoute que dans la tradition Zen, il existe l’idée du « Grand doute » : Cette sensation existentielle de douter de tout … A ce moment là vous décollez de la réalité immédiate … 

« Lorsque tu as assez de foi, ton doute est assez grand. Quand ton doute est assez grand, tu as suffisamment de satori. Toute la connaissance, l’expérience, les sentences merveilleuses , le sentiments de fierté que tu as accumulé avant ton étude du zen, tout cela tu dois le jeter par dessus bord. »

Tout travail philosophique commence à partir du moment où vous êtres prêt à tout jeter par dessus bord, et examiner à neuf ce qui est en question …

La méditation et la philosophie ne visent pas à nous apaiser, conforter, mais à nous étonner … Et il ne s’agit pas de « résoudre » l’étonnement, mais de le garder toujours aussi vif …

Comme l’écrit Jaspers, « en m’étonnant, je prends conscience de mon ignorance. »
Le doute vient une fois que j’ai répondu à l’étonnement. Autrement dit, je doute de ce que j’ai appris, de la validité de mes connaissances acquises.
Il ajoute aussi qu’en doutant systématiquement, l’homme prend conscience de ses limites.


dimanche 24 mai 2015

Mort à Venise, la Beauté et la Mort -2/2-


Une aube bleutée, un homme assis, luttant contre le sommeil sur le pont d'un bateau : c'est ainsi que l'on découvre Aschenbach dans la première séquence. Le destin du personnage est annoncé d'emblée : son engourdissement et ses efforts pour rester éveillé préfigurent symboliquement la séquence finale (Aschenbach assis dans un transat, sur la plage, et luttant pour rassembler ses dernières forces)



"Mort à venise" est une oeuvre d'Art, parce qu'elle donne à Voir, par exemple:
  •  Le « vieux beau » qui importune Aschenbach sur le pont préfigure ironiquement son apparence finale : Aschenbach maquillé ressemblera à cet homme qu'il regardait alors avec mépris.
  •  Du bateau qui le mène à Venise s'échappe une funeste fumée noire, et ce bateau a d'ailleurs le même nom, Esmeralda, que la prostituée à laquelle Aschenbach identifiera mentalement Tadzio.
  •  Le batelier qui le mène vers la rive a des allures de Charon.



Dans cet hôtel de luxe où il loge (le Grand Hôtel des Bains)il retrouve cette impression de bonheur familial, matérialisée par la douceur de vivre de la famille polonaise sur la plage du Lido. Beauté des costumes...  La beauté est au centre du film. Elle est personnifiée par le personnage de Tadzio, qui réveille un sentiment inconnu de désir chez le vieil artiste en quête d'idéal, de perfection

  •  Ce désir devient une obsession qui consume le cœur d'Aschenbach et que symbolisent les feux brûlant - par mesure d'hygiène - dans les rues de Venise.

A travers l'importance des regards, le silence, la lenteur étouffante des scènes et la musique mélancolique de Mahler, le cinéaste suggère à merveille la montée de cette obsession et de l'angoisse qui se réveille chez ce vieil homme.

L'angoisse d'Aschenbach, c'est l'impureté de ses sentiments, c'est son impuissance, son incapacité de créer face à la beauté même, c'est le temps qui passe, c'est la mort.



- Deux personnages fantasques maquillés, placés sous le signe de l'apparence, dénoncent le confort et l'aveuglement des hôtes de l'hôtel , devant la catastrophe qui se prépare ( le choléra, ou la première guerre mondiale ...) et sous-jacent peut-être le caractère impur et malsain des pensées d'Aschenbach.
  • D'abord lors de l'arrivée en bateau à Venise, où un vieux fou guindé, sorte de dandy décadent et aliéné, se met à lui rire au nez et annonce sa déchéance.
  • Ensuite sur la terrasse de l'hôtel, où un musicien vient chanter avec son groupe des chansons grivoises et grotesques en riant à pleines dents (qu'il n'a pas toutes...) et assurer avec hypocrisie qu'aucune épidémie ne menace Venise.
Une Venise grise, brumeuse, moite et étouffante nous est révélée. Une Venise en proie au choléra. Et c'est paradoxalement la laideur même de Venise telle qu'on nous la montre qui contribue à donner toute sa beauté au film.
La mort, à travers cette menace de choléra qui plane sur la ville, est donc omniprésente.


Le désir de Tadzio s'accompagne logiquement d'un désir de jeunesse : Aschenbach est trop vieux et impur pour prétendre aimer dans son état un jeune et beau garçon. 

  • Aussi au cœur de ses angoisses se trouve celle du temps qui passe, symbolisé par l'appareil photographique présent sur la plage jusqu'à son dernier souffle et par le sablier dont il parle lors des flash-back où il converse sur l'Art avec son ami.

C'est le désir de jeunesse qui plonge le vieil homme dans la décadence, le monde de l'apparence préfiguré par les personnages maquillés.


  • Aschenbach se fait maquiller : sa face est blanchie, ses lèvres sont rougies, ses cheveux, ses sourcils et sa moustache, teints en noir. Le compositeur, qui voulait être beau, devient un vieux clown livide et pathétique.
Et c'est devant la beauté que le temps n'a pas encore altérée que cette figure désolante se décompose en sueur et trouve la mort, tandis que la teinture immonde de ses cheveux coule le long de son visage, signe que la beauté est éphémère et que l'apparence n'est rien.

Quiconque a contemplé la Beauté - à la mort est déjà voué. Aschenbach contemple Tadzio,"rutilant d'un soleil qui le rendait impossible à fixer".
  • Aschenbach, arrivé sur la chaise-longue du bateau mourra sur la chaise-longue de la plage.
C'est sur l'image tragique du cadavre transporté que s'achève cette belle méditation sur la beauté et le temps, ce lent voyage initiatique vers le désir et la mort.

vendredi 22 mai 2015

Mort à Venise - Eros et Thanatos -1/2-

Je viens de voir pour la Nième fois, un film qui m'a marqué jeune: Mort à Venise (1971)  de Visconti. Ce film est une adaptation d'une nouvelle de Thomas Mann (1875-1955), auteur que je mets au pinacle, en particulier pour ''La Montagne Magique''..

Eros et Thanatos ou la limite de l’Art, deux abîmes dans une recherche du sens...

Une âme peut être possédée par un désir qui s’apparente à l’absolu. Ainsi, en est-il de l’idée de Beauté … Cette idée peut s’incarner dans une œuvre, ou dans une personne.
 
Une 'âme' en recherche d’un absolu, cristallise alors le temps présent sur ce qui semble être accessible, existant…Et, si la Beauté existait...? 
Pour Gustav von Aschenbach, artiste compositeur ( double de Gustav Malher ), il lui semble - et de nombreux témoignages d’artistes, confrontés à l’image de la Beauté, en témoignent - que l’âme ne peut que s’y perdre…
Beauté audacieuse. Désir proche et inassouvi… Perte de sens

– « Mort à Venise » est le récit de cet échec. Non pas seulement parce que ce vieil homme se croit coupable, ou parce qu’il est vieux ... Et ses souvenirs le renvoient à l’impermanence, l’irréversibilité du temps, et la mort …
Causes fondamentales de la souffrance pour le bouddhisme.

A mon avis, ce film - et c’est une des raisons pour laquelle il me touche particulièrement - nous renvoie à notre véritable destinée …


« La Quête du Graal » au travers des différentes quêtes ( Perceval, Gauvain, Lancelot …), pointe ces 'vaines passions' ( du moins dans sa continuation chrétienne...) , et déflore - et c’est le fantastique objet de la quête - ce qui contente réellement l’âme * … qui la dépasse, et qui chez l’Homme, nourrit l’Esprit.
 
Je dis 'âme' par facilité de langage; mais souvenons-nous que dans la tradition judéo-chrétienne, nous utilisons la division tripartite : le corps, l'âme et l'esprit. Le corps (soma, en grec), l'âme (psychè) et l'esprit (‘nous’ ou pneuma, qui veut dire le souffle)

mardi 19 mai 2015

Poésie et Parole Evangélique -2/2-

La poésie nous aide à nous recentrer sur nous-mêmes ; et nous fait craindre de prendre notre rêve pour de la ''vérité'', et nous tromper, nous laisser prendre à des illusions... Pourtant ces mots, Y Bonnefoy nous invite à les garder, mais à les travailler, à les interroger ….
Yves Bonnefoy
« (…) notre écriture devient le matériau d’une réflexion dont l’intention est de clarifier ce que nous sommes, de délivrer le Je profond des modes d’être du moi que lui substitue en nous la pensée conceptualisée, analytique. La poésie, en pratique, est cette recherche au sein de son propre texte. Et une recherche qui, à mon sens, est mieux placée pour se diriger vers son but que la réflexion philosophique, car elle porte sur des événements d’existence auquel ne peut accéder la généralité du philoso­phique. Et quant à la spiritualité, elle a tout à gagner à cette lecture de soi qui veut se défaire des illusions. La poésie tend à déconstruire les mythes qui l’entravent. » Y. B.


- Ce que l'on peut craindre, du poète … c'est de préférer l'esthétisme à la Vérité … ?
« La part esthétique, dans le poème, c'est l'occasion qui deviendrait la faute si on lui sacrifiait la vérité » Y. B.


- La poésie est-elle une forme de pensée ?
La poésie « n'est nullement une forme de la pensée, avec comme toute pensée un souci de la vérité. Non, la poésie n'est pas, dans la profondeur des poèmes, la formulation, soit directement conceptuelle, soit symbolique ou allégorique, d'une vérité de la vie ou de l'être au monde. Et elle n'est même pas la sorte d'écriture qui permettrait de dire mieux que les autres les pensées de notre vie quotidienne. Il y a bien des pensées, dans les poèmes, c'est l'évidence même, et souvent des pensées de grande portée, mais ce sont là des pensées propres au poème, à son auteur, non ce que voudrait le poétique en son être à lui. »


- La poésie est-elle le creuset d'une recherche d'absolu ? « Le langage, c'est assurément pour communiquer, et la parole, cela porte alors de la signification, de la signification conceptuelle, mais la poésie, c'est pour rendre aux mots - dont cet emploi conceptuel prive qui s'y prête d'avoir plein rapport aux choses, disons l'arbre en toutes ses branches, toutes ses feuilles, et en sa place ici, maintenant, à ce détour du chemin - cette capacité de susciter des présences que la signification, et sa pensée, abolissent. Et que fait-elle, alors, la poésie ? Elle tente de réveiller ces présences dormantes sous les concepts, ce qui nous rend présents à nous-mêmes, qui alors ne sommes plus dans l'espace de la matière mais dans un lieu, elle substitue ce lieu au dehors du monde, elle fait de ce dehors une terre. La poésie n'est pas un dire, mais un déblaiement, une instauration. En cela le même silence que dans le maçon d'autrefois qui triait les pierres, les soupesait, les rapprochait les unes des autres dans la courbe du mur s'orientant vers la clef de voûte. »  interview dans l’Express le 22/11/2010

Dans son essai sur Balthus (L'Improbable, 40) Yves Bonnefoy écrit : "Nous sommes des Occidentaux et cela ne se renie pas. Nous avons mangé de l'arbre de science, et cela ne se renie pas. Et loin de rêver d'une guérison de ce que nous sommes, c'est dans notre intellectualité définitive qu'il faut réinventer la présence qui est salut."

La poésie spirituelle peut-être le fruit d'une contemplation du monde, une forme de prière ; elle témoigne de la transcendance ou de l'immanence du divin ...

O poésie,

Je ne puis m'empêcher de te nommer

Par ton nom que l'on n'aime plus parmi ceux qui errent

Aujourd'hui dans les ruines de la parole. […]

(…)

Je sais que tu seras, même de nuit (…)

La première parole après le long silence,

Le premier feu à prendre au bas du monde mort. »



Yves Bonnefoy - Les Planches courbes (2001)

samedi 16 mai 2015

Poésie et Parole Evangélique -1/2-

La poésie au secours de notre lecture de ''La Parole'' ?

Pour comprendre l’intérêt de la poésie, dans une recherche spirituelle, ou pour ce qui concerne la question que je me pose : la poésie nous donne t-elle une manière éclairante de lire La Parole ? ... Il n’est que d’essayer de suivre cette expérience avec Yves Bonnefoy, qui s’en explique …

La plupart du temps, La Parole évangélique, nous apparaît : concrète, ainsi, elle pénètre aisément notre esprit ; elle entre aisément dans les esprits qui la gardent en mémoire ; elle nous apparaît soucieuse de chacun, portée par l’amour ...
L’auditeur se sent poussé à conformer sa vie aux exigences du Maître, un maître proche, qui fait ce qu'il dit...


Et pourtant ; d’un autre côté, la parabole veut être mystérieuse...
Quand Jésus est à part de la foule, ceux de son entourage avec les Douze lui demandent le sens des paraboles. Et il leur dit : « A vous le mystère du Royaume de Dieu a été donné ; mais à ceux -là qui sont dehors tout arrive en paraboles afin qu’ils aient beau voir et n’aperçoivent pas, qu’ils aient beau entendre et ne comprennent pas, de peur qu’ils ne se convertissent et qu’il ne leur soit pardonné. »(Mc 4, 10-12). Reprise d'Isaïe 6, 9-10...
Plus loin l’évangile de Marc (4, 33-34) complète :
« C’est par un grand nombre de paraboles de ce genre qu’il leur annonçait la Parole dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre ; et il ne leur parlait pas sans paraboles, mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples. »
Et Matthieu (13, 34-35) :
« Tout cela, Jésus le dit aux foules en paraboles, et il ne leur parlait point sans paraboles. Ainsi devait s’accomplir l’oracle du prophète : « Ma bouche prononcera des paraboles, elle clamera des choses cachées depuis la fondation du monde ». (Ps 78)


Que faut-il comprendre... ? La poésie, pourrait nous aider à comprendre ….

« Fondamentalement la poésie a pour but de rendre aux mots de la langue leur capacité d’évoquer pleinement les choses qu’ils représentent en ce qu’ont celles-ci d’existence actuelle, concrète, au sein de notre propre horizon de vie : ces arbres, par exemple, sur ce chemin, non l’arbre du dictionnaire. Sa tâche est de faire apparaître dans la parole notre lieu et notre moment, nullement d’en analyser les aspects, comme le font les autres emplois de mots, et ainsi ne dit-elle rien, en sa profondeur, mais accueille en nous les réalités qui importent, les mettant aussi en rapport entre elles, ici, maintenant, comme ne le font évidemment pas les projets de la science ou de l’action. » Yves Bonnefoy


Varengeville-Sur-Mer
église Saint-Valéry,
Le christ rédempteur 1998,
Michel Ciry.
« La poésie : désembroussailler tel mot auquel on a eu accès, par hasard : comme on entend tinter l’eau sous les gravats et les hautes herbes, après quoi on revient, et on dégage une source. (…) On n’appelle pas Dieu par son nom, on l’appelle dans un nom, et cela peut être du coup dans n’importe quel nom, c’est ce que l’on nomme l’amour ». Y. B.


« La poésie, si j’ose parodier Mallarmé quand il parle de la musique, c’est ce qui reprend à la religion son bien, lequel est une expérience de présence, dans la rencontre de ce qui est, que les croyances, les dogmes, nous dérobent, mais pour aussitôt l’affaiblir. Elle entend dissiper les mythes. Ceux-ci sont intéressants, passionnants même, mais par la perte de la plénitude de l’immédiat qu’on les voit faire et qu’il faut décrire et comprendre. J’ai conçu, en effet, et dirigé, un Dictionnaire des mythologies des sociétés traditionnelles et du monde antique. Mais qui collaborait à ce dictionnaire ? Jean-Pierre Vernant et ses amis du centre de sociologie de la Grèce antique, ou les chercheurs et les enseignants de l’École des hautes études. Et j’espérais, avec Mallarmé encore, ou Leopardi, que faire du mythe un objet d’étude aiderait la poésie à radicaliser son projet, à se faire ardente laïcité. » Y. B.

mercredi 13 mai 2015

Dieu: j'y crois ou j'y crois pas ...? - Réponse à A. Comte-Sponville

J'ai vu, au cours d'une rencontre-débat, le documentaire '' Le philosophe et les croyantes'' de Marjory Déjardin. Ce documentaire de 92 minutes met en scène cinq femmes, plutôt âgées, de religions différentes qui se confient et dévoilent leur approche de la spiritualité à travers une variété de thèmes, tels que la place de la femme dans la société, l’importance de la famille, l’homosexualité, le rapport à l’argent ou encore la solitude.

Ce film interroge sur la transcendance... Peut-on se passer de religion ? Quel est le rapport entre la spiritualité, la morale et la religion ? Cinq visions du monde : Simone, catholique française, Mildred, juive américaine, Toula, musulmane sénégalaise, Elin, protestante norvégienne et Eouch, bouddhiste cambodgienne. Et, face à ces femmes, le philosophe, sur scène, en autorité : André Comte-Sponville, philosophe français et athée.





 Marjory Déjardin, semble convoquer son professeur de philosophie, devant sa grand-mère, afin de mesurer la crédibilité de l'une face au raisonnement de l'autre... Combat inégal sur le plan de la raison... Comte-Sponville est implacable...

A vrai dire, le catholique que je suis, se retrouve bien plus dans les propos du philosophe que dans ceux de ces sympathiques croyantes; même si , finalement, ils me conduisent au-delà, mais avec plus d'intelligence, que la profession de foi athée de Comte-Sponville. Et puis, sans doute que ces femmes, parlent d'autre chose... De ce à quoi Camus pensait, quand il disait, je crois, '' S'il faut choisir entre ma mère et la vérité, je choisis ma mère...''


Par exemple, André Comte-Sponville, reconnaît invivable d'être craintif sous le regard d'un Dieu juge … Mais, si on déclare que Dieu est au contraire 'Amour', il récuse cette possibilité en trouvant tout aussi éprouvant d'être sous ce regard aimant... ''Qui aimerait vivre en permanence sous le regard aimant de sa mère … ?'' . Personnellement, je trouve que cet argument fait mouche ; sauf que... justement, je n'ai jamais pris ''l'amour d'une mère'', comme l'image de l'Amour... Enfin, quelqu'un qui me comprend quand je défend cette idée.. ! Pour une mère, l'enfant est son prolongement, sa vie... Il est soi... L'amour d'une mère, c'est l'amour de soi... De plus, il peut être possessif, et beaucoup d'autres défauts … Bref, l'Amour de Dieu, est bien autre chose ( oblatif, par exemple ...)… Merci, monsieur le philosophe de me permettre de préciser cette notion.

André Comte-Sponville, défend l'idée que le ''croyant'' bénéficie d'une vision rassurante de la mort, entre autres ; et, qu'il est globalement beaucoup plus difficile d'être athée, que croyant... Cette remarque ne me convainc pas, et m'oblige à creuser en moi cette impression … Peut-être est-ce parce que, même si je me définis ici comme ''croyant'' ( pour faciliter la discussion …), je suis à la fois 'agnostique' et 'croyant' : ma foi est sans cesse en question, et ceci n'est pas si confortable... Je dois faire l'effort constamment de ne pas me mentir, de ne pas me conforter par des sentiments agréables qui pourrait endormir ma raison, d'être en éveil … Ce n'est pas si facile … !

André Comte-Sponville, remarque que nous avons tous besoin de 'communier' en quelque chose ; les croyants auraient cette chance de pouvoir profiter de cette organisation à forte cohésion … C'est vrai, à mon avis, que l'Eglise catholique est une organisation qui bénéficie d'une efficacité qui s'est construite au cours des siècles, et qui ' heureusement ' s'est amendée sur beaucoup de points … Pour ma part, elle est aussi difficile à supporter: l'ambiance ''catho'' – repliée sur elle-même - me pèse : elle peut être condescendante, bon chic - bon genre, ' bisounours ', "prions les uns pour les autres .."etc.

Igor Morski 1960
Enfin, une phrase de A. Comte'Sponville m'a interpellé: Il parle de l'Humain, créé à l'image de Dieu ...etc: « La médiocrité de la copie me fait douter de l'original... »... pas mal, comme formule ! Mais, elle ne fait pas mouche, quelque chose ne correspond pas … Si l'Humain, est pour moi au coeur du projet divin, « l'humain » représenté par son comportement au cours de l'histoire plus ou moins récente ne définit pas ce que nous sommes appelés à être... Ce qui compte, à mon avis, c'est la réalité du progrès de sa conscience... Elle est réelle …Même s'il finit par tout faire exploser ...

Cela me fait penser à un autre point qu'il évoque ; la '' Révélation '', cela lui paraîtrait manifeste si dans la Bible, la Déclaration des droits de l'homme et de la femme … leur dignité, égalité ...etc, était clairement et textuellement établie dans La Bible; puisque les hommes alors ( il y a deux mille ans ) n'étant pas susceptibles de pouvoir l'inventer, l'origine ''divine'' serait établie … Faible argument ...!

Je rajouterai ; on pourrait se demander aussi, pourquoi Dieu n'intervient pas ( au 20h. de TF1) directement dans sa Tout-Puissance... ? Pourquoi '' Ressuscité '', il n'est pas allé fanfaronner devant les forces romaines, les grands Prêtres ...etc ?

En fait, quand un ''athée'', vous dit qu'il ne croit pas en Dieu... demandez-lui de quel dieu parle t-il ; il y a de grandes chances que vous n'y croyiez pas non plus … !

lundi 11 mai 2015

Mystère de La Parole

La Bible est la Parole de Dieu : - formule entre bien d’autres - à laquelle, on finit par s'habituer, sans trop savoir de quelle manière on y adhère …
Ce Livre emprisonne t-il ainsi cette Parole ? Pour en faire une Parole univoque, unique, violente … ? 
- L'infinie complexité ne peut ainsi se laisser mutiler … 
- La lecture d'un tel Livre, ne peut jamais s'achever...

Ci-dessous, des extraits d'une conférence de Lucien Noullez, belge, enseignant et poète.
« La Parole de Dieu n'est pas dans le Livre, mais dans l'espace entre le livre et ses lecteurs, puis dans l'entre-nous de ceux-ci »

- La nature de la Parole, dans la Bible, serait-elle mystérieuse ou énigmatique ?
« Une énigme se propose à nous comme l’objet d’une élucidation, l’occasion d’un travail sur la découverte d’un sens caché, mais clair. Une parole énigmatique peut irriter ceux qui n’en ont pas la clé. Elle peut, au contraire, tisser entre ceux qui la comprennent (les initiés) un sentiment de connivence.

Une parole mystérieuse, elle, ouvre le sens à l’infini. Le mystère se présente à nous comme une convocation à entamer un travail sur le sens, dont on devine qu’il ne sera jamais achevé. »

Par exemple :

« Pourtant, il y a des choses dans la Bible qui demeurent mystérieuses, qui ne s’élucideront jamais. L’Exode, par exemple, nous raconte que Dieu ouvrit la mer afin d’y faire passer Moïse et les Hébreux. J’ai lu quelque part un commentaire de ce récit, selon lequel le bras de mer traversé offrait des passages à gué que Moïse avait pu explorer antérieurement lors de son séjour prolongé chez Jéthro. Il ne m’appartient pas de juger de la valeur historique d’une telle explication. Mais il saute aux yeux qu’elle s’éloigne des intentions du texte biblique, lequel raconte bien l’intervention mystérieuse de Dieu. On sent à quel point l’effort pour rendre ce récit plausible aplatit sa signification. En conférant au Passage de la Mer Rouge le statut d’énigme (comment cela a-t-il pu se passer.. ?), on croit résoudre une difficulté, mais on en vient en fait à vider la lecture de tout intérêt spirituel.
Biaggio d'Antonio ( Quattrocento) a construit la fresque autour d'une seule scène (Sixtine)
 Accepter, par contre, qu’il s’agit là d’un mystère n’oblige pas à prendre position sur la réalité factuelle de l’événement raconté, mais laisse résonner longtemps, infiniment, dans le corps et dans la tête, l’image d’une mer fendue en deux parts entre lesquelles des captifs font leurs premiers pas d’hommes libres… Le mystère demeure, il nous habite. Nous pourrons, selon les circonstances de notre vie, l’habiller de significations diverses. Il ne s’épuisera jamais, et il se refusera toujours au joug de l’explication univoque. La nouveauté du livre vient du jaillissement ininterrompu des interprétations qu’on en fera. »

samedi 9 mai 2015

George Clair Tooker

George Clair Tooker, Jr. (5 Août, 1920 - le 27 Mars 2011) est l'un des peintres américains les plus importants du réalisme ''magique'' ... Il a représenté dans ses œuvres l'angoisse et l'aliénation du XXe siècle.
G C Tooker -  Auto-portrait

George Clair Jr. Tooker naît en 1920 dans le quartier new-yorkais de Brooklyn. Après avoir obtenu un diplôme de lettres à l'université Harvard en 1942, il se lance dans des études artistiques.
Inscrit aux cours de Reginald Marsh à l'Art Students League de New York, il est alors influencé par Paul Cadmus (lequel l'introduit à la technique de la tempera à l'œuf) et Jared French. Le séjour en Europe qu'il effectue aux côtés de ces deux mentors renforce son intérêt pour la peinture italienne du Moyen Âge et de la Renaissance.
Le jeune artiste présente son travail à l'exposition Fourteen Americans au Museum of Modern Art en 1946, puis au Whitney Museum of American Art.

Il signe des toiles lumineuses à résonance sociale qui évoquent l'amour, la mort, la sexualité, la douleur, l'aliénation, le vieillissement, l'isolement et la foi. Ses peintures à la tempera, aux couleurs douces et aux formes arrondies, représentent en effet des scènes sinistres et obsédantes.

Parmi les plus marquantes figurent Children and Spastics (1946), dans laquelle des enfants sadiques malmènent trois hommes efféminés ; Subway (1950), où des banlieusards soucieux croisent des inconnus ; The Waiting Room (1957), qui dépeint des clients attendant leur tour passivement ; ainsi que Landscape with Figures (1965-1966), où seuls les visages d'employés de bureau surgissent au-dessus d'un dédale de boxes. Bien que le style narratif de George Tooker ne soit plus apprécié à partir de la fin des années 1960, son travail connaît un regain d'intérêt au début du XXIe siècle, grâce aux rétrospectives organisées par le National Academy Museum de New York en 2008 et par la Pennsylvania Academy of Fine Art de Philadelphie en 2009. Lauréat de la National Medal of Arts en 2007, le peintre meurt quelques années plus tard, le 27 mars 2011, à Hartland, dans le Vermont. ( Encycl. Univ.)

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