Une aube bleutée, un homme assis, luttant contre le sommeil sur le pont d'un bateau : c'est ainsi que l'on découvre Aschenbach dans la première séquence. Le destin du personnage est annoncé d'emblée : son engourdissement et ses efforts pour rester éveillé préfigurent symboliquement la séquence finale (Aschenbach assis dans un transat, sur la plage, et luttant pour rassembler ses dernières forces)
"Mort à venise" est une oeuvre d'Art, parce qu'elle donne à Voir, par exemple:
- Le « vieux beau » qui importune Aschenbach sur le pont préfigure ironiquement son apparence finale : Aschenbach maquillé ressemblera à cet homme qu'il regardait alors avec mépris.
- Du bateau qui le mène à Venise s'échappe une funeste fumée noire, et ce bateau a d'ailleurs le même nom, Esmeralda, que la prostituée à laquelle Aschenbach identifiera mentalement Tadzio.
- Le batelier qui le mène vers la rive a des allures de Charon.
Dans cet hôtel de luxe où il loge (le Grand Hôtel des Bains), il retrouve cette impression de bonheur familial, matérialisée par la douceur de vivre de la famille polonaise sur la plage du Lido. Beauté des costumes... La beauté est au centre du film. Elle est personnifiée par le personnage de Tadzio, qui réveille un sentiment inconnu de désir chez le vieil artiste en quête d'idéal, de perfection
- Ce désir devient une obsession qui consume le cœur d'Aschenbach et que symbolisent les feux brûlant - par mesure d'hygiène - dans les rues de Venise.
A travers l'importance des regards, le silence, la lenteur étouffante des scènes et la musique mélancolique de Mahler, le cinéaste suggère à merveille la montée de cette obsession et de l'angoisse qui se réveille chez ce vieil homme.
L'angoisse d'Aschenbach, c'est l'impureté de ses sentiments, c'est son impuissance, son incapacité de créer face à la beauté même, c'est le temps qui passe, c'est la mort.
- D'abord lors de l'arrivée en bateau à Venise, où un vieux fou guindé, sorte de dandy décadent et aliéné, se met à lui rire au nez et annonce sa déchéance.
- Ensuite sur la terrasse de l'hôtel, où un musicien vient chanter avec son groupe des chansons grivoises et grotesques en riant à pleines dents (qu'il n'a pas toutes...) et assurer avec hypocrisie qu'aucune épidémie ne menace Venise.
La mort, à travers cette menace de choléra qui plane sur la ville, est donc omniprésente.
Le désir de Tadzio s'accompagne logiquement d'un désir de jeunesse : Aschenbach est trop vieux et impur pour prétendre aimer dans son état un jeune et beau garçon.
- Aussi au cœur de ses angoisses se trouve celle du temps qui passe, symbolisé par l'appareil photographique présent sur la plage jusqu'à son dernier souffle et par le sablier dont il parle lors des flash-back où il converse sur l'Art avec son ami.
C'est le désir de jeunesse qui plonge le vieil homme dans la décadence, le monde de l'apparence préfiguré par les personnages maquillés.
- Aschenbach se fait maquiller : sa face est blanchie, ses lèvres sont rougies, ses cheveux, ses sourcils et sa moustache, teints en noir. Le compositeur, qui voulait être beau, devient un vieux clown livide et pathétique.
Quiconque a contemplé la Beauté - à la mort est déjà voué. Aschenbach contemple Tadzio,"rutilant d'un soleil qui le rendait impossible à fixer".
- Aschenbach, arrivé sur la chaise-longue du bateau mourra sur la chaise-longue de la plage.
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