Le récit qu’il nous livre ici, est son voyage autour du monde de 2012-2013 avec Samuel le catholique, Ilan le juif, Ismaël le musulman et Josselin l’agnostique .. Son livre se referme sur ce constat en forme de profession de foi : « Je suis plus athée et plus bienveillant à l’égard de la foi que jamais.»
« Mon propos n’est pas ici de raconter ce livre plein de sensibilité, de mesure, de générosité… Mais de souligner que l’auteur se rattache à cette frange de l’athéisme qui ne revendique aucune supériorité de principe sur la croyance religieuse. Comme si l’un procédait de la raison pure là où l’autre faillirait par déraison. Évoquant les jours qui précèdent son départ pour ce tour du monde, il confie : « Je comprends que les croyants sont soumis aux mêmes incertitudes et que, contrairement à ce que je pensais, ils ne se contentent nullement de trouver des réponses toutes faites à des questionnements existentiels qu’ils n’arriveraient pas à dépasser par la raison… Qui suis-je, moi Victor, jeune homme de vingt-et-un ans rempli de certitudes, élevé avec bienveillance dans un cocon engagé en province, pour juger des réponses des autres à tout ce qui nous dépasse ? »
Pour Victor Grèzes, l’athéisme est donc une croyance, au même titre que la foi de ses amis. Ce qui n’empêche ni l’un ni les autres de se considérer dans une forme de vérité, sinon, pourquoi croire et affirmer ceci plutôt que cela ? Mais une forme de vérité qui laisse toute leur place à d’autres formes de vérité. Ce qui fait penser à cette phrase, souvent commentée (je cite de mémoire) : « Une vérité superficielle est une vérité dont le contraire exact est une erreur, une vérité profonde est une vérité dont le contraire exact est également une vérité profonde (Niels Bohr (1885-1962)) . »
- Passer de deux certitudes qui s’excluent à deux croyances qui
s’interpellent
Lorsque l’un dit « Je crois en Dieu » il ne dit
pas : je sais l’existence de Dieu incontestable. De même que
l’autre ne prétend pas situer son athéisme comme connaissance
objective et irréfutable de l’inexistence de Dieu. Mais il faut
être bien conscient que cette approche est loin de faire l’unanimité
dans l’un et l’autre camps. Pour certains, tout athéisme digne
de ce nom doit être un athéisme de combat contre l’obscurantisme
tout comme, pour certains catholiques, juifs ou musulmans, toute foi
sincère ne peut s’imaginer qu’opposable à l’incroyance et
l’impiété. Passer de deux certitudes absolues qui s’excluent
mutuellement et doivent se combattre à deux croyances qui
s’interpellent et entrent en dialogue ne va pas de soi. Est-il
exagéré de dire que le clivage entre ces deux formes de pensée
sous-tend aujourd’hui pour une large part nos débats exacerbés
sur la laïcité ?
- « Tu es athée ? Ne change surtout pas ! », lui
dit le pape François
Au cours de leur tour du monde interreligieux, les cinq amis
de Coexister ont fait étape à Rome. À
l’initiative du cardinal Etchegaray, ils ont pu rencontrer le pape
François, quelques minutes, à l’issue de son audience
hebdomadaire. Victor Grèzes raconte : « Il est très
intéressé par notre démarche et nous demande de nous présenter un
à un. Lorsque j’évoque mon athéisme, il me regarde droit dans
les yeux, m’attrape fermement le bras droit et me dit en souriant :
« Tu es athée ? C’est parfait, tu es mon nouvel ami, ne
change surtout pas. » Démagogie ? Non !
Éternelle actualisation de Matthieu 25 qui affirme qu’au jour du
Jugement dernier, il ne sous sera pas demandé quelle a été notre
appartenance ou notre pratique religieuse mais si nous avons nourri
l’affamé, accueilli l’étranger, visité le prisonnier… Cette
vision élargie de l’universalité du Salut reste l’un des acquis
majeurs du Concile Vatican II.Je me réjouis de cette attitude de mon Église comme je me réjouis de l’ouverture au dialogue d’un certain nombre de philosophes athées tels Luc Ferry ou André Comte-Sponville et de certains responsables politiques. Mais je me réjouis bien plus encore qu’une génération de jeunes se reconnaisse fraternellement dans la démarche de Coexister au service du « vivre ensemble », non pour y contraindre qui que ce soit, mais pour nous dire simplement, sereinement, qu’il est possible. Et que se joue là quelque chose d’essentiel pour notre paix civile.
- Sources: René Poujol (de la C. C. B. F.) le 11 février 2016
* Deux jours après les attentats du 13 novembre, Libération publiait une tribune titrée « Nous sommes unis », signée par quatre-vingt personnalités de premier plan : responsables politiques et syndicaux, chefs religieux, présidents d’associations, intellectuels et universitaires… et Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité
* La laïcité est au cœur de la
charte de l’association Coexister qui accueille
indifféremment dans ses rangs chrétiens, juifs et musulmans,
agnostiques et athées.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire