lundi 18 janvier 2016

La diversité des religions : une volonté divine.-2/2-

« C'est à l'entour des années conciliaires que la question fut posée de valeurs positives contenues dans les traditions elles-mêmes. Les théologiens répondaient d'ailleurs à cette question de façon diverses. Ils étaient en effet divisés sur la nature de pareilles valeurs positives : s'agissait-il de ''pierres d'attentes'', présentes dans l'homme religieux par nature ; ou bien, de façon plus affirmative, d'« d’éléments de vérité et de grâce », témoignant d'une initiative de Dieu vis à vis des hommes ? Le concile, en fonction,de son attitude ouverte mais discrète à la fois, n'a pas voulu trancher ce débat. » Jacques Dupuis (*) ( Conférence Louvain 1998)


Le contexte interreligieux soulève aujourd'hui, de façon nouvelle, - pour un catholique - trois questions sur:
  • L’ampleur du plan divin pour l'humanité, dans son unité et sa diversité ?
  • Le sens et la place dans ce plan divin global pour l'humanité de l’événement ' Jésus-Christ '( particulier dans l'histoire, et pourtant de portée universelle ) ?
  • Le sens et la valeurs salvifique, dans le même plan de Dieu pour l'humanité entière, d'autres ''voies'' de Salut se réclamant elles aussi de ''figures salvatrices''.. ?
Abraham

Le Pluralisme religieux dans lequel nous vivons aujourd'hui, peut être considéré comme un pluralisme de droit, auquel on peut reconnaître un sens positif dans le plan divin pour l'humanité. Le mystère de Dieu reste nécessairement au-delà de toute connaissance humaine et les religions représentent autant d'approches tâtonnantes des hommes face à ce mystère. Le mystère intime de Dieu consiste – pour le Chrétien – en une communion et une communication plénière entre personnes, Père, Fils, et Esprit.
La trinité immanente, ne suffit pas, comme telle, à établir le fondement du pluralisme religieux. C'est la à la ''trinité économique'' qui en est l'épanchement dans l'histoire des hommes, qu'il faut avoir recours. 
Les diverses traditions religieuses représentent en effet les diverses façons dont «  à bien des reprises et de bien des manières » ( He 1,1) Dieu a parlé et s'est prodigué aux hommes à travers l'histoire. Elles ne figurent pas seulement, ni d'abord, les efforts inlassables des hommes à la recherche de Dieu, mais bien plutôt les avances continues et multiples de Dieu à leur égard. Si elles constituent pour leurs membres des ''voies'' de salut, c'est que Dieu lui-même a d'abord tracé ces voies en se mettant à la recherche des hommes.
Stelle au dieu inconnu
Cela ne contredit aucunement l'unicité de Jésus-Christ que l'on a appelée «constitutive»; mais cette unicité doit aussi être entendue comme « relationnelle ». 
Cela veut dire que l'événement historique du Verbe fait chair, tandis qu'il marque l'engagement le plus profond et décisif de Dieu à l'égard du genre humain, s'insère nécessairement dans l'ensemble du plan organique de Dieu pour l'humanité. Les diverses composantes de ce plan unique et organique sont interdépendantes et relationnelles. L'événement Jésus-Christ, constitutif du salut pour tous, n'exclut ni n'inclut, en les absorbant, aucune autre figure ou tradition salvatrice. Il y a plus de vérité et de grâce divine à l'œuvre dans l'histoire des interventions de Dieu en faveur du genre humain qu'il ne s'en trouve dans la seule tradition chrétienne. Les autres traditions représentent par rapport à elle des dons divins supplémentaires et autonomes. Si l'événement Jésus-Christ mène l'histoire du salut à son apogée, ce n'est pas par substitution ou par remplacement, mais par confirmation et accomplissement.

On pourra alors parler de complémentarité et de convergence mutuelle entre le mystère de Jésus-Christ et les autres traditions religieuses. Non d'une complémentarité à sens unique, comme si les autres traditions ne contenaient que des «pierres d'attente» destinées à trouver leur «accomplissement» dans le mystère chrétien, mais bien d'une complémentarité réciproque susceptible d'ouvrir la voie à un enrichissement mutuel à travers un dialogue authentique. Une convergence aussi, historique et eschatologique à la fois. Historique, de par l'enrichissement mutuel qui est le fruit du dialogue; eschatologique, en ce que la plénitude eschatologique du Règne de Dieu est l'aboutissement final commun du christianisme et des autres religions.
Des jésuites reçus
par l'empereur moghol Akbar


(*) Note : Jacques Dupuis ( 1923-2005), est un prêtre jésuite belge et théoricien du dialogue interreligieux. Son expérience décisive a été un long séjour en Inde, de 1948 à 1984. A partir de 1984, il est professeur à la faculté de théologie de l'Université grégorienne de Rome. Il est consulteur au Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, de 1985 à 1995, et directeur de la revue Gregorianum.
En 1997, il publie un livre intitulé Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, qui déclenche une tempête au sein de l'institution ecclésiale. L'auteur y développe l'idée selon laquelle le salut apporté par Jésus-Christ dépasse les frontières du christianisme et se manifeste également à travers d'autres religions. Une position qu'il résume par cette phrase : « Pour moi, Jésus-Christ est le sauveur universel, mais en même temps je crois que, dans le plan divin, les autres traditions religieuses du monde apportent une contribution positive à l'humanité. »


La Congrégation pour la doctrine de la foi (ex-Saint-Office) suspecte dans cette analyse un risque de "relativisme". En 1998, elle fait suspendre les cours du théologien à l'Université grégorienne. En septembre 2000, le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation, publie un document intitulé Dominus Iesus, où il insiste sur le fait que la "fonction salvifique" du Christ est "exclusive, universelle et absolue".

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