dimanche 3 janvier 2016

Lecture de Monsieur Ouine de Bernanos -4/ -

Le cadavre du petit valet de Malicorne est découvert nu par un ivrogne ...
Alors que le Maire se rend à la Mairie ; le portrait tracé par Bernanos du village vaut le coup d'oeil :
«  Déjà tinte l’enclume du maréchal au fond de la rue muette, l’immense rue muette, lavée de frais, surprise telle quelle par l’aube, pleine encore des formes et des rumeurs de la veille. Un moment elle apparaît plus claire, plus blonde et comme limpide, si fraîche qu’un moribond y poserait la joue, si proche qu’elle semble au niveau des grandes baies vides, jette au plafond son reflet… Mais déjà l’ombre l’a prise en écharpe, puis galope d’un bout à l’autre, jusqu’à la dernière crête visible, la montée de Trablois dont le mince copeau d’or saute à son tour. Le ciel gris s’élance de toutes parts en rugissant, puis s’apaise aussi vite : une pluie fine commence à tomber, l’angélus sonne. »

Ensuite, Bernanos nous fait le portrait du nez de Monsieur le maire : « Son nez verni par l’herpès avec son réseau de veinules bleues, sa rondeur élastique, son excessive mobilité, terrorise sa femme. À vrai dire au milieu de cette face usée, il éclate d’une vie effrayante, goguenarde. « C’est mon gris-gris », disait-il jadis aux demoiselles. Et plus d’une a voulu tenir dans sa paume ce nez monstrueux car l’ancien brasseur ne cache pas son goût pour les fillettes. « Oui, ma petite, figure-toi, j’ai senti battre son cœur tout au bout, c’est comme si tu tenais une vraie bête. » » Et ça continue... Bref... ! Je ne vais pas recopier tout le livre … !
Et, à partir de maintenant, vous ne devriez plus relâcher votre attention, et ce livre.... Tout devient grandiloquent, rendu par les dialogues entre le médecin, le maire et Jambe-de-laine, qui vient apporter une pièce à conviction pour dénoncer celui qu'elle ne cesse d'accuser de tous les maux : M. Ouine...

Ce roman ' Monsieur Ouine' est à la fois un récit policier et une galerie de portraits où l’on retrouve les personnages bernanosiens déjà rencontrés dans les précédents romans. Il est considéré par beaucoup comme le sommet de l’art de Georges Bernanos.
Cet étrange ancien professeur Monsieur Ouine dont le corps est mou, l’esprit perdu et la souffrance terrible, donne son nom au roman ; même si son rôle ne m’apparaît pas central ( à moins que ce soit une ruse du Diable .. ? )…
Le lecteur lui-même s'embourbe...

Très vite, après avoir franchi le cap des premières pages, et compris la cohérence des personnages et la chronologie des faits ; ce roman m’apparaît fascinant, et assez désespéré. La figure du Mal sous-jacente semble ici victorieuse... Dieu a été chassé du monde des hommes et Satan s’y est installé...

Chaque personnage transpire de son mystère ; Monsieur Ouine, vieux professeur obsédé par la mort, est travaillé par de mystérieuses inclinations. Le jeune Philippe dit Steeny - enfant rebelle, sans père, élevé par sa mère - rêve d'un héroïsme négatif loin de la maison maternelle. La solitaire Madame de Néréis, sensuelle, violente, attire Steeny dans sa toile ou se trouve déjà Monsieur Ouine. La population de Fenouille, haineuse, se livre au lynchage de Madame de Néréis au sortir de la messe.



Bernanos nous offre tout de même et bien sûr un jeune prêtre, le curé de Fenouille, le procureur malheureux de ses ouailles pécheresses, qui désespère de la mort de sa paroisse. Il y a aussi le médecin du village, le pendant athée du curé, pas moins désespéré que lui. Il y a encore l’extraordinaire maire du village que la débauche a rendu fou.
Illustrations de Fritz Eichenberg  

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