dimanche 15 juin 2014

Le regard fait l'image -3/99- Erik Rijssemus


Erik Rijssemus (1951, Utrecht) a une formation de graphiste. Il apprend la peinture en autodidacte. Il a développé un style qui se rapproche de la tradition réaliste magique. Il représente la réalité quotidienne en combinant des attitudes avec des éléments fantastiques.
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vendredi 13 juin 2014

Le conteur selon Walter Benjamin -3/3-

Tandis que l'idée d'éternité périclite, commente Benjamin, la mort cesse d'occuper une place prééminente dans le paysage culturel de notre temps. L'homme moderne se trouve dès lors privé de tout horizon, - horizon relativement auquel, et relativement auquel seulement, la vie a sens ; horizon à l'approche duquel, se rencontrant ainsi lui-même, le mourant touche à la réalité de son existence, par là entre dans la forme communicable de cette dernière, dans le possible de sa propre histoire. C'est la vision d'un tel possible qui confère au regard du mourant son autorité insigne. « C'est cette autorité, ajoute Benjamin, qui est à l'origine du récit ». 

Benjamin cite, à titre d'exemple, un récit de Hebel, intitulé Retrouvailles inespérées.
La veille de son mariage, un jeune homme trouve la mort au fond des mines de Falun. Sa fiancée lui reste fidèle toute sa vie durant. Un jour, alors qu'elle touche à l'extrême vieillesse, on lui apporte le corps du jeune homme, retrouvé au fond d'un puits et conservé intact par du vitriol ferreux. « La petite vieille reconnaît son fiancé ». Après cette rencontre, elle meurt à son tour.
Ainsi, l'histoire d'amour marche à la rencontre d'elle-même. A la différence de l'historien, qui explique l'histoire, Hebel se contente de la raconter. Semblablement aux chroniqueurs du Moyen-Age, il assigne aux retrouvailles inespérées une fonction qui fait apparaître ces retrouvailles comme une sorte d' « échantillon » de ce qui advient dans le monde, et à ce titre, comme un abrégé de l'histoire du Salut, ou comme une préfiguration de l'Histoire finie.

Genre ancien, le récit procède du souvenir, sorte de mémoire dont Benjamin dit qu'elle fonde « la chaîne de la tradition », qui transmet de génération en génération les événements passés, tissant ainsi le filet que forment en définitive toutes les histoires.
« Car celles-ci se raccordent toutes entre elles, comme les grands conteurs, particulièrement les Orientaux, se sont plu à le souligner. En chacun d'eux vit une Schéhérazade, pour qui chaque épisode d'une histoire en évoque aussitôt une autre. »

Le roman, pense Benjamin, est un genre égoïste.
Le conte, en revanche, est « le complice de l'homme libéré ». Montant et descendant les « échelons de l'expérience collective », il enseigne les rudiments d'une sagesse pratique qui, dans la mesure où elle n'exclut « ni la ruse ni l'effronterie, permet de faire face aux puissances de l'univers mythique », aux difficultés des travaux et des jours, et à la mort même, - « pourtant le choc le plus profond de toute expérience individuelle » -, puisque, considérée à la lumière de la dite sagesse, « la mort ne représente en rien un scandale ni une limite. »


"Et s'ils ne sont pas morts, ils vivent encore aujourd'hui", dit le conte.

Le conteur, écrit Benjamin, doit être mis « au rang des maîtres et des sages. Car il lui a été donné de remonter tout le cours d'une vie », faite des expériences qui, par effet de communion des âmes, sont à la fois les siennes et celles d'autrui. « Son talent est de raconter sa vie, sa dignité de la raconter tout entière. »

« Le conteur, c'est l'homme qui pourrait laisser la mèche de sa vie se consumer entièrement à la douce flamme de ses récits. Le conteur est la figure sous laquelle le juste se rencontre lui-même. »

Sources : Walter Benjamin, Le conteur,  collection Folio Essais, Œuvres T3, n° 374

J'ai résumé un article lu dans un blog : « la Dormeuse »

jeudi 12 juin 2014

Le conteur selon Walter Benjamin -2/3-

Concernant la supériorité du conte sur l'information, Benjamin fournit l'exemple suivant, emprunté aux Histoires d'Hérodote :
« Il s'agit du roi d’Égypte Psamménite. Lorsque celui-ci eut été vaincu et fait prisonnier par le roi des Perses Cambyse, ce dernier résolut d'humilier le captif. Il donna l'ordre de le placer sur le chemin que devait suivre le cortège triomphal des Perses. Et, de plus, il fit en sorte que le prisonnier pût voir sa fille, réduite à l'état de servante, allant à la fontaine avec une cruche. Alors que tous les Egyptiens, à ce spectacle, se plaignaient et se lamentaient, Psamménite seul ne disait mot et restait immobile, les yeux cloués au sol ; et voyant peu après son fils qu'on emmenait au supplice avec le cortège, il ne bougea pas davantage. Mais lorsqu'il reconnut ensuite, dans les rangs des prisonniers, un de ses serviteurs, un vieillard misérable, alors il se frappa la tête avec les poings et présenta tous les signes de la désolation la plus profonde. »
Hérodote raconte ; il n'explique pas. Ainsi rapportés, les faits conservent un caractère étonnant, sur quoi le temps n'a pas de prise. L'interprétation demeure ouverte. Chacun de nous, tour à tour, s'y essaiera, à la mesure des raisons que lui dicte son entente propre.
Contrairement à n'importe quelle information, qui « n'a de valeur que dans l'instant où elle est nouvelle, note Benjamin, ce récit venu de l'ancienne Égypte demeure en tout cas encore capable, après des milliers d'années, de nous étonner et de nous donner à réfléchir. Il ressemble à ces graines enfermées hermétiquement pendant des millénaires dans les chambres des pyramides, et qui ont conservé jusqu'à aujourd'hui leur pouvoir germinatif. »
Viktor Vasnetsov - le chevalier à la croisée des chemins - 1882

Benjamin ajoute que l'écoute qui permet le processus d'appropriation d'une telle sagesse, exige une disposition mentale spécifique, plus exactement « un état de détente qui devient de plus en plus rare ». De façon paradoxale, Benjamin invoque ici la vertu de l'ennui. L'ennui, dit-il, est « l'oiseau de rêve qui couve l'oeuf de l'expérience. »

« L'art de raconter des histoires est toujours l'art de reprendre celles qu'on a entendues, et celui-ci se perd, dès lors que les histoires ne sont plus conservées en mémoire. »
Adapté au contexte intimiste qui est celui du travail artisanal et des veillées paysannes, le récit demeure,  dit Benjamin, « une forme artisanale de la communication ».

Semblablement au potier qui « laisse sur la coupe d'argile l'empreinte de ses mains », le conteur imprime à son récit la marque, chaque fois différente, de l'ici et du maintenant.
Il replace, par exemple, le récit, dans le cadre de la nuit et du moment à la faveur desquels il entreprend de raconter, ou bien il se présente lui-même comme quelqu'un à qui, dans une autre situation de la vie, l'histoire qu'il raconte a été précédemment rapportée.
A suivre ...

mercredi 11 juin 2014

Le conteur selon Walter Benjamin -1/3-

Alors que - dans mes lectures et recherches personnelles - je reviens à la légende arthurienne, je suis tombé sur un article très documenté ( Blog ' la dormeuse' ) sur cet écrivain allemand...  Je reprends ci-dessous, ce qu'il dit du conte et du conteur...

Walter Benjamin (1892 à Berlin - 1940) est un philosophe, historien de l'art, et critique littéraire. Dans un article sur Nicolas Leskov (1831-1895) il nous donne à lire une méditation sur l'esprit du conte, en rapport avec la pensée de notre temps.
Viktor Vasnetsov - le tapis volant - 1880
La valeur du conte est qu'il invite à partager une expérience. Après avoir connu la boucherie de la guerre de 14, les outrages massivement infligés à l'âme et au corps par la société moderne, les hommes sont devenus plus pauvres en expérience communicable. Beaucoup de livres témoignent du malheur des hommes, mais aucunement d'une quelconque sagesse. A ce titre, ils ne transmettent rien.
Walter Benjamin rappelle que l'expérience est parole et qu'à ce titre elle relève d'abord de la tradition orale.
Semblablement au marin, au laboureur ou au compagnon, le conteur a quelque chose à raconter, - des histoires empruntées à la vie comme elle va, empreintes d'une sagesse ordinaire, qui se condense dans une recommandation pratique, un proverbe, une règle de vie. A ce titre, le conteur fait figure d'homme de bon conseil, moins parce qu'il saurait répondre à des questions que parce qu'il propose de poursuivre une histoire (en train de se dérouler)...
Le productivisme de la société moderne tend à abolir le possible de la parole vivante et à promouvoir, dans la sphère de l'écrit, la solitude de l'individu.
Rompant avec la tradition orale, le roman traite de la singularité de l'individu. Écrire un roman, observe Benjamin,c'est exacerber, dans la représentation de la vie humaine, tout ce qui est sans commune mesure. Débordé par le succès du roman, le conte sombre peu dans la catégorie de l'archaïque.

« Si l'art de conter est devenu chose rare, cela tient avant tout aux progrès de l'information.
Chaque matin, on nous informe des derniers événements survenus à la surface du globe. Et pourtant nous sommes pauvres en histoires remarquables. Cela tient à ce qu'aucun fait ne nous atteint plus qui ne soit déjà chargé d'explications. »

Observant que « l'art du conteur consiste pour moitié à savoir rapporter une histoire sans y mêler d'explication », Benjamin formule en ces termes la règle principale du conte :
 « L'extraordinaire, le merveilleux se trouve raconté avec la plus grande précision, mais le contexte psychologique de l'action n'est pas imposé au lecteur. Celui-ci est laissé libre de s'expliquer la chose comme il l'entend, et le récit acquiert de la sorte une amplitude que n'a pas l'information. »
A suivre ...

lundi 9 juin 2014

Dieu, et le dentiste, existent-ils?

Il ne s'agit pas vraiment, d'une argumentation sur l'existence de Dieu... Il s'agit de deux réponses à une question sur l'existence du mal... A mon avis, les deux réponses qui s'opposent ici, sont toutes les deux absurdes... Et, cette apparente joute logique, est pleine d'humour ...

samedi 7 juin 2014

Le regard fait l'image -2/99- Marcela Bolivar


Marcela Bolívar est une artiste colombienne. Son travail est une création de photo montage numérique. De vraies photos qui passent par un processus lourd de transformation. L'assemblage et le travail sur le détail se rapproche de l'expression picturale.

Ses images sont une collection de souvenirs et de symboles personnels, inscrits dans des mondes solitaires où la nature humaine est questionnée au travers de déguisements complexes.

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mercredi 4 juin 2014

L'Histoire de la Bible -3/3-

Extraits:
«... avant l'Exil, la pratique religieuse d'Israël et de Juda, toute dédiée à Yahvé qu'elle fût, ressemblait beaucoup à celle de ses voisins. On vénérait un dieu tutélaire auquel étaient associés d'autres dieux, on rendait un culte aux ancêtres divinisés, on pratiquait la divination, etc. » ( …)
« nous savons, aujourd'hui, que la conception idéalisée que nous avons d'un monothéisme et du destin d'Israël trouve, certes, un fondement théologique dans la Bible, mais qu'elle est tardive et ne résume pas à elle seule l'ensemble de l'histoire et de la pensée bibliques. » (P220)

« Yahvé n'a pas toujours été le Dieu d'Israël..(...) « El, le dieu d'Israël » (Gn 33,20)... El est la première divinité sous laquelle se sont placées les tribus des fils de jacob, installées dans les montagnes de Samarie, lorsqu'elles se sont fédérées sous le nom d'Israël... » (P222)
«  El et Yahvé étaient deux divinités distinctes... » P223 «  Israël aurait abandonné le grand dieu El, pour se placer sous la protection de Yahvé, un dieu guerrier et de l'orage...
« Jéthro, beau-père de Moïse apparaît comme un prêtre de Yahvé (…) le médianite serait celui qui a initié Israël au culte de Yahvé ! » (P236)
«  Il faut distinguer le petit groupe d'adorateurs de Yahvé qui a fui l'Egypte, et les tribus des fils de Jacob, adorateurs d'El, qui se sont regroupées sous le nom d'Israël.. » P236
«Dans l'organigramme religieux de l'Orient ancien, les dieux souverains ne règnent jamais seuls ; ils sont au minimum en couple, parfois en triade... Il n'y a aucune bonne raison de penser que le dieu d'Israël ait dérogé à la règle... » P248
«  par exemple, il y a une déesse qui est très souvent mentionnée dans la Bible : Ashera. C'est une divinité celeste présente dans presque tous les panthéons du Proche-Orient ancien comme parèdre du dieu principal. Elle s'appelle Ishtar en Mésopotanie, Ashirtu chez les Hittites d'Anatolie, Athîrat à Ougarit, etc... Ses fonctions oscillent entre la fécondité, l'amour et la guerre. (…) il ne fait aucun doute que Yahvé n'a pas été, dès l'origine, un dieu célibataire. » P250

Légende de l'image: déesse du proche Orient ancien: Ashtoret ou Ashtarot (עשתרת) en hébreu, elle est l'équivalent de la déesse mésopotamienne Ishtar (pour les babyloniens) ou Inanna (pour les sumériens) ...

Il y a bien d'autres questions traitées dans ce livre remarquable... Et je n'ai, ici, cité que des affirmations, je n'ai pas reproduit les explications, ou les démonstrations.... Il vous faudra le lire...