mercredi 11 juin 2014

Le conteur selon Walter Benjamin -1/3-

Alors que - dans mes lectures et recherches personnelles - je reviens à la légende arthurienne, je suis tombé sur un article très documenté ( Blog ' la dormeuse' ) sur cet écrivain allemand...  Je reprends ci-dessous, ce qu'il dit du conte et du conteur...

Walter Benjamin (1892 à Berlin - 1940) est un philosophe, historien de l'art, et critique littéraire. Dans un article sur Nicolas Leskov (1831-1895) il nous donne à lire une méditation sur l'esprit du conte, en rapport avec la pensée de notre temps.
Viktor Vasnetsov - le tapis volant - 1880
La valeur du conte est qu'il invite à partager une expérience. Après avoir connu la boucherie de la guerre de 14, les outrages massivement infligés à l'âme et au corps par la société moderne, les hommes sont devenus plus pauvres en expérience communicable. Beaucoup de livres témoignent du malheur des hommes, mais aucunement d'une quelconque sagesse. A ce titre, ils ne transmettent rien.
Walter Benjamin rappelle que l'expérience est parole et qu'à ce titre elle relève d'abord de la tradition orale.
Semblablement au marin, au laboureur ou au compagnon, le conteur a quelque chose à raconter, - des histoires empruntées à la vie comme elle va, empreintes d'une sagesse ordinaire, qui se condense dans une recommandation pratique, un proverbe, une règle de vie. A ce titre, le conteur fait figure d'homme de bon conseil, moins parce qu'il saurait répondre à des questions que parce qu'il propose de poursuivre une histoire (en train de se dérouler)...
Le productivisme de la société moderne tend à abolir le possible de la parole vivante et à promouvoir, dans la sphère de l'écrit, la solitude de l'individu.
Rompant avec la tradition orale, le roman traite de la singularité de l'individu. Écrire un roman, observe Benjamin,c'est exacerber, dans la représentation de la vie humaine, tout ce qui est sans commune mesure. Débordé par le succès du roman, le conte sombre peu dans la catégorie de l'archaïque.

« Si l'art de conter est devenu chose rare, cela tient avant tout aux progrès de l'information.
Chaque matin, on nous informe des derniers événements survenus à la surface du globe. Et pourtant nous sommes pauvres en histoires remarquables. Cela tient à ce qu'aucun fait ne nous atteint plus qui ne soit déjà chargé d'explications. »

Observant que « l'art du conteur consiste pour moitié à savoir rapporter une histoire sans y mêler d'explication », Benjamin formule en ces termes la règle principale du conte :
 « L'extraordinaire, le merveilleux se trouve raconté avec la plus grande précision, mais le contexte psychologique de l'action n'est pas imposé au lecteur. Celui-ci est laissé libre de s'expliquer la chose comme il l'entend, et le récit acquiert de la sorte une amplitude que n'a pas l'information. »
A suivre ...

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