Dans l’hebdomadaire - ''La Vie''
du 26 mars – Régis Burnet, théologien et historien du
christianisme, échange avec Françoise Chandernagor, qui publie un
roman intitulé ''Vie de Jude, frère de Jésus''... Et,
à propos de Marie ; je relève ses interventions ( ici, en
italique):
Marie, Jésus et ses frères |
« En tant qu’exégète, je
ne peux que constater que les textes canoniques (Actes et Épîtres
de Paul) affirment que Jacques est le frère du Seigneur. Et le mot
frère – adelphos, en grec – n’a jamais signifié autre chose
que frère. Il existe un autre argument de poids : la première
communauté de Jérusalem fut dirigée par Jacques, puis ensuite par
Jude, des gens qui sont de la famille de Jésus. On est face à une
succession dynastique, et donc familiale » Régis Burnet,
théologien.
« Au IVe siècle, à
partir du pape Damase, la question est soulevée. Car un courant
ascétique monte alors en puissance, qui conduira plus tard au
célibat des prêtres. Le secrétaire du pape Damase, saint Jérôme,
se retrouve donc en mission commandée pour trouver des arguments en
faveur du célibat sacerdotal. Les attestations dans les Textes
laissant supposer qu’une famille nombreuse existait autour de
Jésus, Jérôme va s’atteler à une première interprétation de
textes apocryphes qui offrent la thèse des demi-frères. Et c’est
encore lui qui lancera l’idée qu’en Orient, on appelle frère un
peu tout le monde : les Évangiles mentionneraient ainsi des
cousins de Jésus, au sens large. Avec ces arguments, Jérôme rédige
Contre Helvidius, le traité où il défend la virginité de Marie et
sur lequel l’Église s’appuiera pour déclarer la virginité
perpétuelle au concile de Latran, en 649. Mais Jérôme s’est
trahi lui-même, car il existe une lettre qu’il a écrite après le
Contre Helvidius, où il laisse échapper que Jacques est le frère
de Jésus. »
La confusion entre frère et cousin (en
grec adelphos veut dire le frère, et anepsios, le cousin) passe
par l’idée que les Évangiles seraient des traductions de
l’araméen, ce qui n’est pas vrai…
« C’est faux, effectivement.
Ils ont été écrits directement en grec. » R Burnet
« On distingue la virginité
avant la conception, pendant et après. Mais si vous reprenez la
formulation de foi, elle concerne la virginité avant la conception :
c’est ce qui est dit dans le Credo. »
Penser que Marie n’est pas restée
vierge après la naissance de Jésus ne remet donc pas en cause le
Credo ?
« Le Credo, non. Mais la
tradition théologique de l’Église, oui. Il faut bien comprendre
que les affirmations dogmatiques sur Marie concernent en fait Jésus.
La virginité avant l’engendrement, c’est une déclaration
christologique, la nécessité d’affirmer que Jésus est le fils de
Dieu. Par la suite, en lien avec la foi populaire, la « mariologie »
a développé d’autres interprétations. Mais ce que je dois dire,
c’est qu’on ne connaît Marie que par quelques allusions des
textes canoniques. La tradition autour de Marie a été construite à
partir de traces très limitées. On en a fait une héroïne assez
peu maternelle, tournée vers le destin de son fils, une femme qui
comprend tout et admet tout dès le début. Alors qu’elle a dû
connaître aussi des moments d’angoisse. » R B.
Pierre, Jésus et son frère Jacques. |
Le rôle de La Tradition, n'est pas
d'augmenter le corpus ( limité ) de l'Ecriture... Elle est
d'éclairer la compréhension des Textes. Il n'est pas étonnant que
l'éclairage qui correspondait, il y a dix ou quinze siècles, nous
paraisse peu adapté à nos savoirs de ce XXI ème siècle... La
pression populaire en faveur de la figure de Marie ( apogée au XIXe
s.) , ne s'exerce plus avec les mêmes modalités... Revenons à la
''Résurrection'' et reconnaissons que l'argument gynécologique de
Marie ''toujours vierge'', pour affirmer la divinité de Jésus, ne
nous impressionne plus ...
D'ailleurs Benoît XVI, avait écrit
dans son ouvrage ''La foi chrétienne hier et aujourd'hui'' Cerf 2005
(imprimatur donné en 1969 pour la version allemande), page 192 :
« ...La doctrine de la divinité de Jésus ne serait pas
mise en cause si Jésus était issu d'un mariage normal. Car la
filiation divine dont parle la foi n'est pas un fait biologique, mais
ontologique ... »
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