vendredi 5 février 2016

La vie de Jésus: James Tissot -2/2-

La vie de Notre-Seigneur Jésus Christ par James Tissot


INTRODUCTION.


« A mon retour de Jérusalem, en mars 1887, j'allais voir mon père, chrétien de vieille souche et catholique fervent.
Je lui montrais mes croquis, mes esquisses et tous les documents que j'ai rapportés d'outre-mer. Quand il vit l'aspect et les proportions exactes des lieux, du Golgotha en particulier, il s'écria : " Il faudra donc que je change toutes les idées que je m'étais faites sur ces choses. Comment ! le Calvaire, n'était pas une haute montagne en pain de sucre couverte de rochers et de broussailles ?

- Eh bien, non, lui répondis-je ; le Calvaire, tout en occupant le haut de la ville, n'avait que six ou sept mètres de haut tout au plus. De même le Saint-Sépulcre se trouvait à côté, dans des conditions tout autres que celles que tu te représentes. Ton erreur est semblable à celle de la plupart des fidèles. Le monde chrétien a depuis longtemps l'imagination faussée par les fantaisies des peintres ; il y aurait tout un stock d'images à expulser de son esprit, pour l'établir dans des données se rapprochant un peu de la vérité. Toutes les écoles out travaillé plus ou moins consciemment à égarer sur ce point l'esprit public. Préoccupées uniquement les unes de la mise en scène, comme les écoles de la Renaissance, les autres du sentiment, comme les écoles mystiques, elles délaissaient d'un commun accord le terrain de l'histoire et de l'exactitude topographique. Ne serait-il pas temps, dans un siècle auquel l'à-peu-près ne suffit plus, de rendre à la réalité, je ne dis pas au réalisme - ses droits usurpés ? . . ."



Voilà pourquoi, attiré que j'étais par la figure divine de Jésus et les scènes si attachantes de l'Evangile, souhaitant en rendre, autant qu'il me serait possible, les différents aspects, je me décidais a partir pour la Palestine, à la visiter en pèlerin recueilli. Ne fallait-il pas étudier sur les lieux mêmes la silhouette des paysages, le caractère des habitants, et tâcher de retrouver, sous les couches multiples des générations disparues, le type des races et les matériaux de l'antiquité !

 



Je partis le 15 octobre, 1886. J'avais juste cinquante ans.

Arrivé en Egypte, je me rendis compte aussitôt que je n'avais pas de désillusion à craindre ; Alexandrie et le Caire me dédommageaient déjà amplement de mon voyage, en me donnant l'impression directe de l'antiquité.

Avec de pareils documents, il me semblait presque inutile d'aller plus loin ; l'antiquité était là palpable, et il me paraissait aisé de la nettoyer de la couche légère de modernité qui la couvre, pour arriver de suite aux vestiges des anciens temps. Pourtant, quand, j'arrivais en Palestine, l'impression fut différente ; je sentis que l'Afrique n'était pas tout l'Orient; que là, la race, les mœurs, les matériaux des villes, à plus forte raison les paysages, le sol, tout était différent. Quand je montais plus au nord, à partir de Nazareth, au Liban et à Damas, je sentais ]a présence de la race turque, c'est-a-dire l'homme venant du nord, apportant ses mœurs, sa sensualité, ses costumes spéciaux, formés d’étoffes doublées de fourrures et chargés de broderies nécessitant un tout autre ajustement. - Je me formulais alors, par la comparaison entre le nord et le midi, une idée plus ample, plus précise, du pays judaïque.

 

Quant aux constructions, le caractère général en était tout aussi frappant. En Afrique et dans le nord de la Palestine, où le bois est employé, la construction, le décor des maisons et des édifices est tout autre qu'en Judée, où le bois manque, où il a toujours manqué, puis qu'on le faisait venir du Liban pour les palais et les parvis du temple. Chaque maison était voûtée en dôme, et ce dôme restait apparent au-dessus du toit; de là, en Judée, cette quantité de petits dômes qui contraste avec les toits plats des villes du nord et du midi.

Toutes ces données générales me mirent sur la voie des études que j'avais à faire. Restait l'intuition à se développer. Toute oeuvre, quelle qu'elle soit, a son idéal ; le mien a été la vérité, la vérité dans la vie du Christ.

Rendre avec fidélité et faire revivre sous les yeux du spectateur la personnalité divine de Jésus, dans son esprit, dans ses actions, dans toute la sublimité de ses enseignements, quoi de plus séduisant ? quoi de plus difficile aussi? Il a fallu m'identifier le plus que j'ai pu aux Evangiles, les relire cent fois, et en vérité c'est bien là, sur les lieux mêmes où se sont déroulées toutes ces sublimes scènes, qu'on se sent plus apte à en saisir, à en recevoir toutes les impressions. ......

Maintenant que mes méditations ont pris corps, et qu'après dix années de labeur cette nouvelle vie de Notre-Seigneur Jésus Christ va paraître avec le caractère de précision des choses vues et vécues, je viens dire ceci. Je ne prétends pas affirmer que les événements que je rappelle se soient passés exactement ainsi; loin delà j'ai voulu seulement fournir une interprétation personnelle basée sur des données sérieuses, et destinée à écarter au tant que possible l'incertitude de le vague des esprits.

J'ai accompli ainsi, je l'espère, une oeuvre utile, j'ai fait un pas vers la vérité et posé un jalon qui indiquera le chemin à suivre pour pénétrer plus avant dans cet inépuisable sujet. Si quelqu'un veut a son tour l'étudier et le préciser davantage, qu'il se hâte ; car les données encore existantes, les documents survivants aux siècles disparaîtront sous peu de temps sans doute, envahis, en ce temps d'ingénieurs et de chemins de fer, par l'irrésistible poussée de la modernité débordante. »

James Tissot.

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1 commentaire :

  1. Effectivement, ces tableaux sont spectaculaires, et relativement loin de l'idée que je me faisais de ces lieux!
    Merci.

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