mercredi 24 avril 2013

Pas de mariage, pas de père ... Les Moso de Chine

La famille et le mariage – bases de la filiation et de l'alliance - sont-ils le fondement de toute société ?
Quelle est, ou quelles sont les formes de la famille élémentaire ?
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Le mariage et la vie conjugale n’existent pas, le père n’est pas reconnu, et l’enfant est donc élevé par son oncle maternel. 
Dans son livre « Une société sans père ni mari. Les Na ( ou Moso )de Chine », l’anthropologue Cai Hua présente le cas d’une société dont le système de parenté est complètement différent de « notre » famille.
Les Na, une minorité ethnique d’environ 30 000 habitants, vivent dans la province du Yunnan, au sud-ouest de la Chine. Agriculteurs dans les montagnes himalayennes, ils cultivent le riz, le blé, l’avoine, le sarrasin, le maïs, le lin, le soja et d’autres légumes. Dans la plupart des maisonnées, on file et on tisse le lin et on brasse la bière.
Leur religion est un mélange de culte des ancêtres et de bouddhisme tibétain.


Dans une maisonnée, les relations de base sont celles mère-enfant et frère-sœur. À la naissance, l’enfant fait partie du groupe de sa mère. Frères et sœurs de diverses générations vivent ensemble sous le même toit toute leur vie en travaillant et en élevant les enfants des femmes.
Au sein de chaque matrilignée, il existe deux chefs (dabu), un homme et une femme : « le chef masculin s’occupe des affaires extérieures, le chef féminin se charge des affaires intérieures ». Ils partagent l’autorité, ne jouissent pas de privilèges particuliers mais travaillent plus que les autres. Pour être chef, deux conditions sont requises : compétence et impartialité. L’autorité découle du mérite personnel et la capacité individuelle prime sur tout. Les ascendants ont le devoir de transmettre aux descendants les connaissances morales et techniques, séparément pour les deux sexes : les femmes pour les filles et les hommes pour les garçons.

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Mère et oncle moso.
Le partage des tâches entre hommes et femmes est réglé avec précision...
Le matriarcat Moso n’a rien à voir avec la gynarchie féministe. Il s’agit bien ici d’une société sexiste, où hommes et femmes ont chacun des fonctions et des droits différents. Les femmes sont plutôt responsables de toute l’économie domestique (foncier, immobilier, agriculture…). Les hommes gardent en général le pouvoir politique, et gèrent les affaires extérieures au clan. On parlera plutôt de système matricentré ou matristique, car la mère n’est pas au-dessus mais au centre de la société.

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Vivant en communisme familial, la propriété appartient au clan familial mais à aucun individu : il n’y a donc ni héritage ni disputes. La structure familiale intergénérationnelle a engendré de fortes solidarités.
Dans cette société sans mariage –et donc sans infidélité-, la sexualité est libre. À 13 ans, à l’issue d’un rite initiatique, garçons et filles deviennent membres à part entière de la société. Chaque jeune fille reçoit la clé de sa « chambre des fleurs » : elle est dès lors libre d'avoir (en secret toutefois) autant d'amours qu'elle le désire. Le garçon choisi, à l’issue de ces « visites furtives », devra retourner chez sa mère à l’aube… Cohabitation et mariage sont exceptionnels mais admis pour assurer la perpétuité d’une maisonnée.
Seule restriction : l’inceste entre frère et sœur, qui, s’il est connu, condamne les contrevenants à la mort.
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 Chambre des fleurs  Mariage ambulant ou visite furtive entre hommes et femmes...
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La plupart des relations amoureuses restent secrètes. Il est difficile de savoir qui fréquente qui. Il n’y a donc ni jalousie, ni possessivité, ni violences sexuelles. « Chez nous, la jalousie et la possessivité, c’est honteux, c’est être faible, on appelle ça  "boire du vinaigre"  » affirment les femmes Moso
Trois modalités de pratiques sexuelles sont détaillées par Cai Hua : la visite furtivela visite ostensible et la cohabitation.
Traditionnellement, tous les Na pratiquent ce qu’ils appellent la relation d’açia ou visite furtive. L’expression indique une rencontre galante qui se déroule à l’insu des adultes de la maisonnée. L’homme s’introduit dans la chambre de la femme vers minuit et repart à l’aube afin que personne ne l’aperçoive. Hommes et femmes jouissent d’une égalité totale, chacun(e) ayant le droit d’accepter ou de refuser la relation qui peut durer une ou plusieurs nuits, des semaines ou des mois… Mais une asymétrie existe tout de même entre les partenaires : c’est toujours l’homme qui rend visite à la femme et non l’inverse.
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À l’intérieur des maisons, les hommes dorment autour du foyer dans la pièce centrale, et les femmes ont chacune leur chambre séparée, dont une porte donne sur l’extérieur ( ici: avec escalier ) afin de recevoir discrètement leurs amants.
Dans la visite ostensible ou ouverte, l’homme n’est pas obligé d’éviter les membres de la lignée de la femme. Il existe un privilège sexuel mutuel mais les partenaires continuent tout de même à pratiquer la visite furtive en essayant de ne pas se laisser surprendre. Si le partenaire de la femme arrive, le visiteur est prié de partir. Il n’y a pas de contrainte et la durée de cette relation dépend, encore une fois, des sentiments réciproques.
La modalité de la cohabitation implique, elle, que les partenaires passent ensemble non seulement la nuit mais aussi la journée, « partageant le même pot et le même feu », formant ainsi une unité économique. Il existe toujours un privilège sexuel mutuel dont la transgression est réprimandée seulement si elle est découverte.
La cohabitation représente une solution de crise temporaire lorsqu’il manque un membre dans une lignée. Sa fonction - tout comme l’adoption - est celle de pallier à ce manque qui pourrait menacer la survie de la lignée. La cohabitation a donc pour but la perpétuité de la maisonnée et, en dehors de ce contexte, elle est réprouvée, voire interdite.
Sources: http://matricien.org/geo-hist-matriarcat/asie/moso/
http://epicurienhedoniste.blogspot.fr/2012/11/matriarcat-moso-chine.html



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1 commentaire :

  1. Un magnifique documentaire, une rencontre humaine à laquelle on aimerait s'associer, des vies qui allient sérénité et authenticité, quel regret de ne pas être née Moso !

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