lundi 14 juillet 2014

Le dualisme, dans l'Immaculée Conception et chez les Cathares. -2/2-

Revenons au XII et XIIIe siècles …
Triomphe de Saint Thomas d’Aquin
sur Averroès et les hérétiques, XIV siècle, Pisa

Bernard de Clairvaux est engagé dans une opposition non seulement au dogme de l'Immaculée Conception, mais à la fête même de la conception de Marie, face aux chanoines de Lyon qui se sont mis à la célébrer. Bernard, développe une grande piété envers Marie, mais Bernard est un ferme défenseur de l'orthodoxie... Que dit Bernard concernant cette nouveauté, comme il la nomme, et qui flaire tant l'hérésie ?
« je m'étonne, écrit-il aux chanoines de Lyon, que certains parmi vous aient voulu changer cette excellence qui est la vôtre en introduisant une cérémonie nouvelle qu'ignorent les rites de l'Église, que la raison n'approuve pas, et qui n'est pas recommandée par la tradition la plus ancienne [...] La Vierge royale n'a que faire de faux honneurs [...] Elle a reçu dans le sein de sa mère la grâce de naître sainte [...] Mais qu'y a-t-il de logique à retenir que, du fait qu'elle précéda la naissance, cette conception fut aussi sainte ? [...] La sanctification accomplie en elle, alors qu'elle était déjà conçue, put se communiquer à la naissance qui suivrait. Mais elle ne put certes pas remonter en arrière à la conception qui l'avait précédée [...] Je dis qu'elle a enfanté vierge, mais qu'elle n'a pas été enfantée par une Vierge [...] La Vierge glorieuse se passera volontiers de cet honneur qui semble, ou honorer le péché, ou le revêtir d'une sainteté mensongère. » Bernard de Clairvaux, Epistola 174 (172) ad Canonicos Lugdunenses,

Antonello de Messine, Vierge Marie 1476
Thomas d'Aquin, au siècle suivant, en accord avec ses frères dominicains ne s'oppose pas moins rigoureusement, à l'appui de sa logique rationnelle.
« On ne saurait comprendre, écrit-il, que la sanctification de la Bienheureuse Vierge ait pu se produire avant son animation [qui intervient pour une fille 80 jours après sa conception], et cela pour deux raisons : d'abord, parce que la sanctification dont nous parlons n'est autre que la purification du péché originel... Or la grâce qui, seule, purifie, ne peut exister que dans une créature raisonnable. C'est pourquoi la Bienheureuse Vierge n'a pas été sanctifiée avant que l'âme raisonnable lui ait été accordée. En second lieu, seule la créature raisonnable est susceptible de contracter une faute. Le fruit de la conception n'est donc sujet à la faute que lorsqu'il a reçu une âme raisonnable. Si la Bienheureuse Vierge avait été sanctifiée de quelque manière que ce fût avant son animation,elle n'aurait jamais encouru la tache du péché originel. Il s'ensuit qu'elle n'aurait pas eu besoin de la Rédemption et du salut apportés par Jésus-Christ. »

Le combat des deux principes ,
 thème central du catharisme
Les cisterciens et dominicains ne sont pas à l'arrière-garde dans un combat contre une autre hérésie, très ouvertement stigmatisée celle-là, et jusqu'à nos jours : l'hérésie cathare. Tout cela n'est pas le fait du hasard. En effet, cela est en rapport avec la question de la chute, qui est aussi, on le sait, celle du dualisme...
Le combat de Bernard, est un refus d'une conception ontologique de la chute. ( Une conception plus morale de la chute pourra s'ouvrir à des tendances pélagiennes … Et, au « salut par les œuvres » bref...)…
Si l'on dit que :
Jésus, ( Verbe de Dieu) n'a pu s'unir à une nature humaine empreinte du péché.. S'il a revêtu une nature humaine d'avant « le péché », c'est que sa mère a été miraculeusement dotée d'une nature humaine, exempte de la corruption ontologique du péché...
Ce raisonnement, s'articule assez bien, avec une croyance dualiste : l'âme préexiste au corps dans lequel elle déchoit, ou auquel elle concède ( pour Marie et Jésus...).
Pour les cathares, le Christ n'a revêtu qu'un corps d'apparence, qui lui a été donné par un ange, et la Vierge Marie ( ange elle-même), n'a pris que les traits d'une femme juive.

La théologie de l'immaculée conception de Marie, ne serait-elle pas une manière de dénier ou d’atténuer la radicalité de l'incarnation de Dieu en l'homme, c'est-à-dire au sein même du péché et de la chair de l'humanité commune?

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