jeudi 24 avril 2014

Pour vivre le monde de demain : tout l'intérêt d'une « transcendance » ... 1/2

Une discussion intéressante dans le quotidien « La Croix » du mardi 22/04, sur les « progrès » promis par la biomédecine : comment poser des limites ? Il s'agit d'un dialogue entre le biologiste athée Jacques Testart et le philosophe catholique Rémi Brague...
Je retiens les propos suivants ( extraits, en deux articles) :

1- Droits, Devoirs et Démocratie ...

J T : «  Je crains une nouvelle façon universelle de faire des bébés... poussé par l’appareil d’État, mais réalisé à la demande des gens et sans douleur. …
Sculpture de Prune Nourry


R.B. : « Je me demande si nos sociétés ont quelque chose de plus qu’un simple « vernis démocratique » ? Je crains une sorte d’élitisme renouvelé. Nous irions ainsi vers une humanité à deux vitesses. Certains hommes seraient améliorés par diverses techniques, tandis que d’autres resteraient sur le bord de la route ? Quels seraient les rapports entre les deux catégories d’hommes ? Je crains qu’ils ne soient pas nécessairement pacifiques…
( …) il y a désormais une quatrième possibilité : le remplacement de l’humanité par une espèce prétendument supérieure, ou, en tout cas, améliorée. Ces hommes-là seraient-ils encore humains ?

J T : « il me semble que ce risque est moindre que le tri tranquille de l’humanité, sans violence, en douceur, à la demande des gens, sans technologie extraordinaire et renouvelé de génération en génération.
J. T : «  Il existe deux éthiques : celle du groupe, et celle de l’individu. J’ai observé que chacun se perçoit comme un cas particulier qui mérite un sort particulier :
 « Nous avons droit à un enfant. » Celui-ci devient un objet de consommation comme un autre. Il s’appuie sur l’idée que, par la technique, on peut faire mieux que ce qui se passe naturellement. Or, c’est une utopie.

R. B. : «  S’il y a des droits « à » quelque chose, ce serait donc qu’il existe quelque part quelqu’un, quelque chose, ou je ne sais quelle instance, qui aurait le devoir de me donner ce à quoi j’aurais droit. Le droit « au travail » peut se comprendre… Mais, dans la plupart des cas, il ne peut pas y avoir d’instance qui serait en devoir de me donner ce à quoi j’aurais droit. Ainsi, par exemple, du droit « au bonheur » : qui a le devoir de rendre heureux ? La Nature ? Dieu ? La Science ? Le Progrès ? La Société ? Toutes ces majuscules abusives… Dans le cas du droit à l’enfant, c’est assez terrible, parce que l’« objet » auquel nous aurions droit est quand même un être intelligent et libre, et non une chose.
La question posée n’est-elle pas plutôt : « Au nom de quoi me le refuserait-on ? »
On suppose ainsi une sorte de réservoir infini de désirs qu’on n’aurait pas le droit d’endiguer ni de canaliser.
R. B.:  « … le marché et l’État, dont les logiques se recoupent dans la réduction de l’humanité à une collection atomisée d’individus seulement capables de consommer et de payer leurs impôts. Sans se soucier les uns des autres, pas seulement dans leur coexistence, mais en vue de la continuité de l’espèce dans le temps, sans laquelle nous ne dépasserions pas un siècle d’existence.

J. T. : « Pour préserver l’avenir de l’humanité, il faut inventer des limites aux actions individuelles. Certes, les législateurs, qui se fondent essentiellement sur des travaux d’experts, y ont leur part. Mais je suis très favorable à des « conférences de citoyens », qui permettent de faire réfléchir, après les avoir informés, des gens tirés au sort, qui n’ont pas d’intérêt particulier à défendre, et qu’on peut prétendre représentatifs de l’humanité. Ils recevraient une formation complète et contradictoire, discuteraient entre eux, rédigeraient des avis, avec des règles strictes. Les politiques bénéficieraient ainsi d’un avis plus riche que ceux de la plupart des experts qui, aujourd’hui, sont partisans de ce qu’ils appellent le progrès : en faire toujours plus.


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