A ''notre époque'' ( celle de Roger de
Laron, début XIVe s.), les sorcières ne sont pas encore
pourchassées, puis tuées... Mais, déjà de nombreuses histoires
mettent en scène les maléfices dont elles peuvent être capable ;
en particulier quand certains hommes se sont mis en tête de
s’acharner contre elles.
Ici, dans notre vallée de la Maulde, les
quelques maisons, bicoques, se blottissent entre elles, l’église,
un peu à l'écart, car seuls les morts ont le privilège de la
côtoyer pour toujours … Autour de cette clairière habitée, le
village est entourée de collines boisées et de forets... Sur une
hauteur, le château n'est pas véritablement un signe rassurant...
Chacun, ici, sait que la forêt est un
lieu dangereux, à la peur du loup s'ajoute celle des brigands et
l'inquiétude suscitée par les travailleurs de la forêt, bûcherons
ou charbonniers, considérés comme des marginaux. Et précisément,
deux d'entre eux, qui par nécessité, chassent les loups ont le
projet de s'en prendre à une vielle femme isolée: '' La Loba ''...
Ils sont persuadés que cette cette
femme, en plus de ses dons de jeteuse de sorts, ''gouverneraient'' les loups :
elle serait une ''meneuse de loups''... C'est logique, le loup est
associé au mal, et parfois certains hommes ou femmes se font
''leberous'', pour se rendre au sabbat ( j'en reparlerai ...)
De ces deux bûcherons et chasseurs, le
premier s'appelle ' Gros-Jean'. Ce jour d'hiver, il dit vouloir
profiter du beau temps, et part chasser...
On n'a plus revu Gros-Jean, vivant...
Dès la fin de cette journée, le temps s'est gâté, le mauvais
temps s'est installé ; et on a entendu les loups...
Le soir de ce même jour, le deuxième
homme qui voue donc aux sorcières une haine tenace, se trouve seul
dans sa cabane des bois, habitation de bois assez confortable tout de
même, pour posséder une cheminée. Il est assis là devant le grand
feu avec à ses côtés ses deux chiens, tandis que la pluie crépite
contre la fenêtre et que le vent se lamente...
Soudain, la porte s'ouvre. Le chasseur
voit sur le seuil un chat plutôt mal en point, la fourrure trempée,
tout maigre et tout tremblant.
Les chiens se dressent sur leurs pattes
en grondant. Ils n'en feraient qu'une bouchée si leur maître ne les
retenaient pas … On surnomme l'homme : ''le chasseur des
collines'' de par son activité où il excelle …
Plus tard, il expliquera qu'il avait
arrêté ces chiens parce que le chat s'était mis à parler, et lui
demandait une faveur qu'il ne pouvait refuser....
- C'est ainsi que l'on raconte cette
histoire par ici à la veillée...
La bête – à la belle voix de jeune
femme – explique qu'elle est une jeune sorcière qui décide de
renoncer à ses maléfices, et qu'elle demande protection contre la
fureur vengeresse de ses pareilles...
L'homme fait entrer le chat, qui
s'assoit devant l’âtre tandis qu'il réfléchit. Mais, l'animal
semble tout à fait innocent. Il se lèche soigneusement, et son poil
retrouve son lustre. Puis il s'installe commodément, étirant ses
griffes et enroulant sa queue autour de son corps, et se met à
ronronner d'aise. Les chiens s'agitent nerveusement, mais le laissent
tranquille …
Engourdi par la chaleur et bercé par
le ronronnement du chat, le chasseur finit par s'assoupir. Dehors la
pluie continue de faire rage. A un moment donné l'homme ouvre les
yeux, les chiens se dressent en grondant et leur poil se hérisse.
Le chat a disparu. A la place se tient
souriant d'un air placide, une habitante du village connue de tous,
qu'on appelle la ' loba' ; celle là même que nos deux hommes
désignent comme une meneuse de loups !
« Tu es un homme facile à
duper, chasseur, dit-elle. Ton ami 'Gros-Jean', l'ennemi des
sorcières, est mort aujourd'hui. Il gît par cinq coudées de terre,
m'ont dit mes sœurs, et les vers le dévorent... A présent, c'est
ton tour. »
Elle lui saute à la gorge, toutes
griffes dehors et les yeux luisant de rage. Mais les chiens sont plus
rapides. Ils la terrassent.
Et pendant quelques minutes une
terrible mêlée oppose les bêtes grondantes et la femme saignant
sous les morsures, tandis qu'elle leur déchire le ventre de ses
ongles aigus. Puis c'est le silence, entrecoupé seulement par les
gémissements des bêtes blessées et les battements d'ailes d'une
corneille au-dehors. La ''chatte'' s'est évanouie, et les chiens
halètent, couchés sur le flanc.
Le chasseur vient raconter la scène au
village le lendemain, le visage hagard, en portant les corps de ses
chiens. Il apprend que '' la loba'' est clouée au lit, et que les
gens du village craignent pour sa vie.
Sans mot dire, il sort et se dirige
d'un pas rapide vers la maison un peu à l'écart où vit la femme...
A suivre …
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