vendredi 25 avril 2014

Pour vivre le monde de demain : tout l'intérêt d'une « transcendance » ... 2/2

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2 - Nécessité, dans ce type de réflexion, d’un « point d’appui transcendant » ?

Eric Ancey : Moins_dure_sera_la_chute
R. B. : «  Que faut-il que soit le monde pour que poursuivre l’aventure humaine soit une aventure légitime ? Quels seraient les mobiles qui pousseraient les gens, même honnêtes et informés, à prendre des décisions impliquant peut-être des sacrifices pour la génération présente, afin d’assurer un mieux-être pour des gens que, de toute façon, ils ne connaîtront pas ? La question est posée à la démocratie, meilleure manière connue d’organiser la coexistence de gens qui sont déjà là, le « club des présents ». Pour les générations passées, aussi bien que pour ceux dont l’existence même dépend de nous, la question se pose. Nous avons besoin d’une transcendance pour pouvoir affirmer, de manière responsable, la légitimité de l’existence de l’espèce humaine. L’homme ne peut pas porter sur lui-même un jugement. On ne j u g e p a s quelqu’un sur l’image qu’il a de lui-même.

J. T. : « Le mot « transcendance » ne figure pas dans mon vocabulaire. Mais, dans une conférence de citoyens, on voit se développer une espèce d’alchimie entre ces personnes ordinaires, d’origine sociale et d’éducation différentes, toutes réunies dans le but de donner un avis qui va agir sur l’humanité, leurs enfants et leur descendance. Les gens deviennent altruistes et intelligents ensemble, en un mouvement… transcendant les intérêts particuliers de chacun. J’appelle cela « l’humanitude ».

Comment mettre de la transcendance en démocratie ?
Eric Ancey - Le crieur du devoir

R. B. :  « il faut ancrer la démocratie dans une transcendance. La conscience doit être considérée, selon Jean-Jacques Rousseau, comme « un instinct divin, immortelle et céleste voix » . « Vox populi, vox dei » doit ainsi être pris à la lettre, en allant jusqu’à dire que nos démocraties, même imparfaites, supposent une conception de l’homme selon laquelle celui-ci, qu’il soit idiot du village ou prix Nobel, a un accès à la Vérité, avec un V majuscule, et au Bien, avec un B majuscule. Si on laisse tomber cela, on va devoir se demander pourquoi donner une même voix à l’idiot et au Nobel. C’est l’éternelle objection aristocratique ou oligarchique contre la démocratie. Je pense ainsi que nos démocraties laïques, séculières, supposent une conception de l’homme qui n’est pas séculière.

J. T.: « Si une quinzaine de personnes, réunies en jury citoyen, sont plus capables d’intelligence, d’altruisme et d’invention qu’elles-mêmes ne le croyaient, comment ne pas manifester cela en toutes circonstances ? C’est cela que je nomme transcendance: l’homme peut se révéler, dans certaines situations, bien au-dessus de ce qu’il croit être et de ce que la démocratie croit qu’il est.
C’est ma seule raison d’être optimiste. Pour que chacun puisse se révéler en tant qu’homo sapiens. C’est ce que je nomme l’« humanitude », faculté humaine ignorée mais largement partagée.

Eric Ancey:  les jeunes_mamans
R. B.: «  Il n’est pas besoin d’une quelconque transcendance pour alimenter une pensée. Mais il est besoin d’un être transcendant, qui s’appelle Dieu dans le civil, pour fonder la légitimité de l’humain. Fichte, disciple de Kant, disait : « Ce n’est pas la peine de croire en Dieu puisque nous avons la loi morale en nous. » Il poursuivait : « En revanche, nous avons besoin de croire en l’homme, en sa capacité à suivre cette loi morale, alors que l’Histoire pourrait nous convaincre du contraire. » Je vais un peu plus loin : qui a le droit de croire en l’homme ? Et je réponds : certainement pas l’homme lui-même, parce que croire en soi est le signe de la paranoïa totale ou la caractéristique du dictateur le plus impitoyable. À mes yeux, le seul être qui a le droit de croire en l’homme, c’est Dieu…


J. T.: Je suis évidemment d’accord sauf sur la place de Dieu. Mais, pour l’avenir, il faut envisager de mettre les gens dans des conditions où ils pourraient assumer ce que vous appelez la transcendance et ce que j’appelle l’humanitude. Dans mon livre, je cite Ellul, Illich, des penseurs chrétiens.. On pourrait permettre à l’homme de s’exprimer au mieux de lui-même.
Sources: le quotidien "la Croix" du 22/04/2014

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