La « Dame Margot » de Roger
de Laron, est une fée ''mélusienne'' :
La fée, fort souvent rencontrée à la
fontaine, accepte d'épouser le mortel qu'elle aime, se marie avec
lui et s'installe chez lui, apportant la prospérité et le
bonheur...
C'est une épouse modèle, qui comble tous les désirs;
mais elle a mis d'emblée une condition à la vie heureuse, à savoir
que son époux mortel ne transgresse jamais un interdit qu'elle lui
précise : ne pas chercher à la voir nue, ou le samedi, ou
lorsqu'elle est en couches, ne pas l'appeler « fée », ne révéler
à personne sa véritable identité, ne faire devant elle aucune
allusion à son origine, à sa famille, au lieu de leur rencontre, à
la mort, etc.
Un jour, généralement par
inadvertance, sous le coup de la colère, de l'impatience, sous la
pression de la société (de sa famille, à lui), le mari transgresse
l'interdit : son épouse surnaturelle le quitte aussitôt, en lui
assurant que c'est pour toujours ... Dans le conte populaire, où la
présence des enfants est bien moins souvent mentionnée, la fée
peut remporter ses richesses, la prospérité, disparaître et le
mari, dépérir et mourir rapidement; mais, bien plus fréquemment,
le conte comporte deux autres séquences (la quête, la réunion) qui
lui assurent une fin heureuse.
La fée Morgane, habite des contes un
peu différents, ce sont ceux où la fée enlève le héros. Elle ne
vient pas s'installer dans ce monde-ci, et, si elle y fait une
apparition, c'est pour entraîner dans l'Autre Monde le mortel
qu'elle aime et l'y retenir à jamais.
Chez Chrétien de Troyes, Morgane est
guérisseuse, confectionnant des onguents pour les blessures, ou
contre la folie; elle est devenue la sœur d'Arthur, et elle règne,
avec son ami Guigamor, sur l'île d'Avalon... Il est intéressant de
noter que la figure de Morgane va devenir petit à petit une figure
dangereuse et inquiétante, puis chargée de tous les péchés du
monde … !
La Morgane « romanesque », la
ravisseuse, l'emprisonneuse, voire l'empoisonneuse, n'apparaît donc
qu'aux environs de 1225, dans le Lancelot en prose. Vient
ensuite le Tristan en prose, où le personnage est encore noirci («
femme dominée par sa sensualité... lascive, retenant malgré lui un
héros rétif qui saura lui échapper »).
C'est vrai également, que l'on trouve
le personnage de la fée-ondine bienveillante, qui enlève (certes)
le héros dès sa naissance (mais) pour le préserver de ses ennemis
et lui permettre d'atteindre l'âge et d'avoir la force de les
vaincre, ce personnage reçoit un vigoureux coup de pouce dans le
Lancelot en prose. Se pose également, le problème de la succession
de Merlin, que le Lancelot en prose exècre et bannit et à qui il
semble donner deux héritières : une bonne, Viviane, qui exerce la
magie blanche (et a bien fait d'en extorquer les secrets au fils de
l'incube), et une méchante, Morgane, qui s'adonne à la magie noire
et représente donc la part diabolique de Merlin.
Encore … Il est un passage du Conte
du Graal au cours duquel l'un des chevaliers de la Queste pénètre
dans un château qui semble tout à fait habité mais dans lequel il
ne rencontre personne. Dans une des salles se trouve un magnifique
jeu d'échecs. Pour passer le temps, il déplace une pièce sur
l'échiquier. En face de lui, sans qu'il n'aperçoive personne, une
autre pièce est déplacée comme en réponse à ce qu'il a joué
précédemment. Il joue à nouveau et ainsi de suite... jusqu'à ce
qu'il perde la partie... Furieux, il jette alors l'échiquier par la
fenêtre et ce dernier se perd dans le lac qui est au pied du
château.
La société celtique fonctionne à
l'image du jeu d'échecs. Le Roi est la pièce essentielle : celui
qui perd le Roi a perdu la partie ! Mais la Reine est la pièce
qui a la plus grande mobilité, le plus grand éventail de
possibilités, le plus grand "pouvoir".
Sources : Les fées seraient-elles nées au XIIe siècle ?
Pierre Gallais – Cahiers de civilisation médiévale
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