Il y a un triangle « traditionnel »
formé de trois œuvres qui viennent du Portugal : celle de
Fernando Pessoa, celle d’Agostinho da Silva, celle de Lima de
Freitas
Quand on dit que Lima de Freitas est un
initié, que veut-on exprimer ? Que cela commence et finit avec
le silence... Quête de l’Être en soi ...
Dans la perspective de notre ego, deux
mondes sont distincts. Bien sûr, nous savons qu'au coeur de l'Etre,
ces deux mondes sont uns et ne sont pas. L'un et ( est ) l'autre,
sont un :
" Dans
l’Un, il y a l’Etre. Dans l’Autre la personne.
Dans
l’Un règne le Roi Caché, le Soi, dans l’Autre règne le moi,
haïssable ou non.
Dans
l’Un, la conscience pratique le Culte du Saint Esprit, ou de
l’Esprit Libre, dans l’Autre la conscience est prise dans le
culte de l’objet, de l’image et de la consommation.
Dans
l’Un, nous sommes dans l’état objectif, pure perception de ce
qui est là. Univers perçu. Dans l’Autre, nous demeurons dans un
état subjectif. Univers pensé, conçu.
Dans
l’Un, nous sommes inscrits dans le non-temps de l’ici et
maintenant. Dans l’Autre, nous sommes étirés dans le temps.
Dans
l’Un, nous sommes les dévoreurs des temps, passé, présent,
futur. Dans l’Autre, nous sommes la proie du temps.
Dans
l’Un nous sommes vivants. Dans l’Autre nous sommes vécus.
Dans
l’Un nous sommes dans le Silence. Dans l’Autre, nous sommes au
sein du bruit et du langage.
Dans
l’Un, nous sommes dans l’ataraxie. Dans l’Autre, nous sommes
dans l’intranquillité de Fernando Pessoa.
Dans
l’Un, L’art est de Ne Rien faire, selon Agostinho da Silva. Dans
l’Autre, la préoccupation et l’occupation consistent à avoir et
faire.
Dans
l’Un, le Verbe est créateur. Dans l’Autre, la parole est perdue.
Dans
l’Un, tout est Liberté. Dans l’Autre, il n’y a que conditions
et limites.
Dans
l’Un, le corps est Esprit. Dans l’Autre, le corps est matière.
Dans
l’Un, tout poison devient liqueur des dieux. Dans l’Autre, tout
est toxique.
Dans
l’Un, tout est immobilité parfaite et fluidité. Dans l’Autre,
tout est mouvement et pesanteur.
Dans
l’Un, tout est amour. Dans l’Autre, tout est désir, et le désir
est toujours mimétique.
Dans
l’Un, tout est plénitude du vide. Dans l’Autre, tout est vide
désespérant des formes.
Dans
l’Un est le sans-forme. Dans l’Autre, sont les formes.
Dans
l’Un, nous sommes dans l’invention. Dans l’Autre, nous sommes
dans l’imitation.
Dans
l’Autre, le triangle archaïque pouvoir-territoire-reproduction
agit pleinement en toutes les périphéries de l’expérience. Nous
retrouvons la fonction labyrinthique. Dans l’Un, ce même triangle
s’est verticalisé en un unique point de Vide. Le Dragon s’est
envolé. Passé sans porte. "
Dans le 515, le lieu du miroir,
Lima nous dit l’essentiel en quelques mots :
« Dès que l’homme atteint
le discernement de la position qu’il occupe dans l’ensemble de la
création, en tant que « centre du 4 », autrement dit
comme conscience de soi et du monde, issue du jeu des oppositions et
des fatalités, contre lesquelles elle a essayé d’affirmer sa
volonté – conscience qui finit par saisir l’unité métaphysique
qui l’intègre dans le devenir cosmique et qui, simultanément,
transforme la soif brûlante d’exister et de vivre en un
désir non moins ardent de dépassement de soi et d’intensification
ontologique ; autrement dit, dès que l’homme arrive au seuil
de la science du bien et du mal et goûte du feu céleste, tout est
en place pour le mystère ultime, qui se déroule entre l’orgueil
et le don de soi : le dénouement infini du drame conduit la
conscience à se saisir comme miroir de Dieu, l’être se trouvant
non point dans le miroir, mais dans la Lumière qu’il réfléchit.
Infini, en somme, parce que ce dénouement ouvre sur une nouvelle
Lumière plus éblouissante encore, laquelle appelle à son tour à
une conscience plus aigue, ravie dans l’impatience amoureuse de
connaître la Lumière plus pure et plus divine qui est derrière la
Lumière. » 515, le lieu du miroir, de Lima de Freitas, Editions Albin Michel
Lima de Freitas (1927-1998) est connu
et reconnu comme peintre et écrivain mais il fut aussi dessinateur,
illustrateur, graveur, publicitaire, traducteur, essayiste...
Il a
ainsi illustré une centaine de livres dont un célèbre Don
Quichotte. On a pu parler à propos de sa peinture de surréalisme
mystique, mais la qualifier, c’est la restreindre et la limiter.
En 1992, il devint membre de la
Commission consultative auprès de l’UNESCO pour la
Transdisciplinarité. Il a participé à l’Encyclopédie des
Religions dirigée par Mircea Eliade en 1987.
Son épouse et muse, Helle Hartvig
Freitas, joua un rôle considérable dans sa vie de peintre et dans
sa vie initiatique comme en témoigne sa présence dans nombre de ses
peintures.