A l'égard du Diable et de ses pouvoirs, les histoires sur Roger
de Laron, en constituent un vivant exemple. Ainsi, celle-ci :
On raconte que Roger eut commerce avec
Satan lui-même, mais dans un but charitable, pour tenter de sauver
un étranger rencontré par hasard.
Un jour, alors que, perdu dans ses
pensées, le seigneur de Laron s'est éloigné du château et se
promène aux alentours du village de Saint-Julien, il tombe sur un
jeune homme affalé dans l'herbe, une épée en travers de ses genoux
et les yeux pleins de larmes. Le chevalier s'arrête pour s'enquérir
de ses malheurs et le réconforter et – pense t-il - l'empêcher
d'attenter à ses jours, comme son attitude peut le donner à
craindre.
Il entend alors le récit d'une bien
curieuse aventure.
Le jeune homme a mené une vie des plus
dissolues: ayant dilapidé son héritage en beuveries et jusqu'à
perdre son fief au jeu, il s'est abouché avec un vieux sage (
semblait-il) qui lui a offert son aide. Celui-ci s'engage à payer
les dettes du jeune homme et à subvenir à ses besoins, en échange,
le jeune homme se mettrait à l'entière disposition de son
bienfaiteur.
Les dettes ont été honorées, et le
vieillard est venu réclamer son dû. C'est alors seulement - en
humant une écœurante odeur de corps en putréfaction et en
apercevant l'éclat d'un regard infernal dans l'ombre du capuchon -
qu'il a brusquement compris qui était son créancier...
Comme il a été dupé, il a exigé
obtenir un délai d'un jour avant de lui appartenir corps et âme
pour toujours, et cette journée touche à sa fin... !
Roger de Laron l'écoute d'un air
empreint de gravité. Et, fort de ses connaissances, de ses
aventures, il s'offre pour lui venir en aide....
Il offre l'hospitalité au jeune homme,
et le lendemain matin, dans le froid de l'aube, ils se mirent –
tous deux – en route pour rencontrer Satan à la lisière d'un bois
de la chatellerie, là où deux chemins se croisent.
Quand ils arrivent au lieu du
rendez-vous tout semble paisible. L'air sent bien la fumée, mais
cela peut être dû au travail des charbonniers qui travaillent non
loin de là.
Un homme âgé, portant une houppelande
et un capuchon noir, les attend. Il a l’air plutôt inoffensif,
bien que son visage soit dissimulé dans l'ombre Mais quand il lève
la main et que sa manche se relève, le seigneur de Laron lui-même a
un sursaut. Il n'y a pas de bras auquel la main soit rattachée. Ils
ne perdent pas de temps en préliminaires. Le vieillard prend Roger à
témoin du marché conclu, selon les termes duquel lorsque toutes les
dettes du jeune homme auront été payées, celui-ci "doit se
tenir à l'entière disposition du créancier, et accourir librement
et sans aucun délai au premier appel du créancier susdit ".
Le seigneur de Laron lit et relit
attentivement le contrat, puis il demande au jeune homme: « Est-ce
bien votre signature ? Vous avez
accepté, dès que toutes vos dettes auront été payées, de vous
donner à Satan ici présent?»
« C'est vrai », répond le jeune
homme, « mais je ne savais pas qui il était quand j'ai signé "
Roger écarte l'objection d'un geste de
la main et reprend :
« Mais il est clair pour moi que
toutes vos dettes n'ont pas été payées... Vous n'avez pas
remboursé le créancier qui se tient devant nous. Et tant que cette
dette reste impayée, il n'a aucun droit sur vous. »
Sur ces mots, le chevalier se tourne
vers le vieil homme et de la main droite il fait dans l'air le signe
de croix des Templiers... Aussitôt, la silhouette encapuchonnée
s'évanouit...
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