Voici un autre récit qui concerne directement le seigneur de Laron... Ce texte provient d'un
document recopié et qui se réclame d'un codex ayant appartenu à un
frère dominicain, compagnon du limousin et inquisiteur Bernard
Gui. Celui-ci devait être chargé d'écrire les témoignages
récoltés, dans les campagnes limousines...
Je le cite :
« Ce noble, dont le
comportement lui vaut de nombreux ennemis, a l'habitude de voyager de
nuit pour échapper aux embuscades. Une nuit, il traverse une forêt
proche de la Maulde avec son écuyer et, avant d'en sortir pour
déboucher dans un champ à la lisière du bois, il envoie son écuyer
voir si personne ne leur tend de piège. La lune brille et permet de
bien distinguer les alentours. L'écuyer s’avance donc et aperçoit
une grande armée de cavaliers approcher. Il en avertit son maître
qui décide d'attendre afin de voir s'il s'agit d'amis ou d'ennemis.
La troupe passe, il sort du bois et rencontre un chevalier sur un
destrier, qui tient un autre cheval par la bride. Il lui demande s'il
est bien son ami mort depuis peu, et l'autre acquiesce. « Qui
sont ceux qui te précédaient? » demande-t-il alors.
Le défunt répondit : « Ce
sont des nobles et des chevaliers, celui-ci et celui-là, et il en
nomma beaucoup, qui, comme moi,.vont cette nuit à Jérusalem puisque
telle est notre Pénitence. »
Le vivant demande à quoi
sert ce cheval qu'il mène : .« Il
est pour vous, si vous voulez venir en Terre Sainte avec moi »,
et il ajoute qu'il peut monter le destrier en toute tranquillité car
il sera reconduit vivant pour peu qu'il suive ses avertissements. Le
chevalier accepte malgré les objurgations de son écuyer, et
disparaît aux yeux.de celui-ci. Le lendemain, l'écuyer vient
attendre son maître là où il a disparu et le retrouve sain et
sauf. Le mort a donné à son ami une serviette de salamandre et un
couteau dans un fourreau afin qu'il ne s'imagine pas que tout cela ne
fut qu'illusion. »
On commence à comprendre pourquoi, des
récits anciens dans cette région évoque de nombreuses histoires
avec un ''Roger le Diable''... En effet, j'ai réuni diverses
légendes locales qui semblaient sans lien avec notre personnage, et
pourtant finissent par dessiner une biographie légendaire de Roger,
seigneur de Laron, ancien templier ; dont la trace historique
fut effacée par ses descendants ; au point de changer le nom du
château ( certains préféreront parler du château de Rochain ou
Rochein ) ; et d'abandonner le patronyme ''Laron'' …
Cette histoire de '' troupe de
cavaliers fantôme'' est en ce XIVème siècle, prise très au
sérieux. Cela évoque les chasses fantastiques d' Hellequin et de sa
mesnie ( maisonnée, famille …). En Limousin, on parle de ''Chasso
galero''. Roger de Laron, connaît bien ces ''chasses'', comme tous
ceux de son époque : lettrés ou simplement auditeur aux
veillées, il connaît bien ce que l'on raconte sur cette troupe de
démons conduite par Hellequin... Fauvel, Gautier Map (De nugis
curialum) en particulier, en portent témoignage …
A l'origine d'Hellequin, on trouve Herla, le "roi très
ancien des Bretons". Le roi du peuple des morts s'invite aux
noces de Herla et lui propose en retour de se rendre aux siennes
l'année suivante. Aux termes du pacte ainsi conclu, Herla et ses
guerriers rejoignent le monde des ténèbres un an plus tard. Cette
troupe pourra revenir parmi les vivants, mais à condition de ne
jamais descendre de cheval. Elle est ainsi condamnée à une errance
éternelle. Simple armée de fantômes dans un premier
temps, les légendes feront plus de cette mesnie d'Herla une
troupe de chasseurs maudits. Ce thème devient ainsi une
déclinaison du cycle des chasses fantastiques que
l'on rencontre un peu partout dans nos régions...
Voilà ce qu'écrit Orderic Vital,
moine historien des XIe et XIIe siècles :
"Certain jour en en l'an de grâce mil nonante et unième, Gauchelin de Normandie, prêtre pieux et dévot, vit fantassins et cavaliers défiler par la route. Grande armée c'était, multitude innombrable et moisit en désordre, portant accoutrements noirs et pennons barrés de sable. Y avait croque-morts ayant chargé cercueils sur leurs épaules. Y avait des Ethiopiens. Y avait des nains hauts de sept empans, le chef gros comme muid ou barricel. Y avait routiers et malandrins. Y avait moines et clercs, voire juges et abbés et évêques. Y avait chevaliers en bel arroi, y avait dames chevauchant haquenées. Et soufflait un vent fort et roide, lequel vent soufflant ès-cottes, robes et manteaux, de leurs sièges arrachait les nobles dames, les soulevait la hauteur d'une franche coudée, puis cheoir les laissait en leur selle, laquelle hérissaient de longs cirais au feu rougis. Et voyant icelle foule passer, Gauchelin le prêtre s'émerveilla fort et s'écria – Haï ! ce sont les gens à Herlequin!"
Seulement à l'époque christianisée
de Roger de Laron, l'expression de Mesnie Hellequin, ou de
Chasso Galero a pris la signification de famille diabolique.
Ainsi, c'est le Diable, qui conduit l'assemblée de cavaliers
rencontrée par le seigneur... !
A partir de ce moment, Roger de Laron,
va petit à petit se soustraire des yeux de la compagnie de hommes de
son temps...
Et pourtant, Roger de Laron, va trouver une épouse ;
c'est une histoire assez incroyable, et représentative des croyances
de cette époque …
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