Joseph Solomon (British , 1860-1927), St. George |
Observons de plus près le motif de la belle princesse à sauver, dans le récit chevaleresque de Saint-Georges
Saint Georges ( de par son origine agricole) , fêté le 23 avril est associé à l’ouverture des lieux, après la fonte des neiges, les sentiers sont à nouveau praticables, surtout pour les cavaliers... Le dragon, lui est associé à l’ouverture mortelle des corps sous les dents du dragon, et donc – avec une jeune fille - à l’ouverture vivante et féconde, l’ouverture sexuelle...
Pieter Bruegel The-Younger - The-Kermesse-of-St-George |
Avec la Saint-Georges débute en effet, depuis le Moyen Âge, tout un cycle de fêtes d’initiations, fêtes pendant lesquelles – en particulier - l’image monstrueuse et coupable de la sexualité (l’image, donc, du dragon) est transgressée.
Les fêtes populaires convertissent ces tensions... Cette « ouverture » festive, et les légendes ( caution de l'imaginaire ) permettent de convertir en transgression l’interdit même qu’elle met en scène...
Le combat du prude chevalier contre le répugnant dragon – dont l’exigence sexuelle à s’offrir toutes les vierges d’un royaume constitue un aspect fondamental de sa valeur négative, partout explicite, sauf bien sûr dans ses versions ecclésiastiques – se transforme, se convertit en un jeu libre mais protégé, comme sanctifié par l’image tutélaire du saint. Voilà peut-être pourquoi on ne sait jamais exactement, dans les images de saint Georges, si le dragon est anéanti ou bien apprivoisé (notamment par la princesse).
A l’époque de l’amour courtois et de la poésie des troubadours, la manière dont la femme est considérée change. Le culte à Marie s’étend aussi.
Saint Georges donnera pour des siècles l’exemple du chevalier saint et la figure de la contradiction dépassée, de la tension apaisée... en passant, néanmoins par la violence..., que les croisades du XIe et XIIe s. justifient...
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David Vinckboons ~ The Kermesse of Saint George
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Pieter Brueghel the Younger ~ The Kermesse of Saint George
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Dans son « Rameau d’or », Frazer
(1854-1941) donne tous les exemples possibles dans lesquels saint
Georges finit par patronner, du haut de sa statue d’éphèbe, ce
qu’on pourrait nommer une ouverture des femmes… Jeunes filles
enveloppées dans des feuillages et promenées comme des offrandes
sacrées avant d’être épousées ; vêtements de femmes enceintes
placés sous un arbre la nuit de la Saint-Georges, afin que la
délivrance – ou le travail, œuvre et ouverture confondues –
soit plus facile ; sacrifices sanglants à la terre fertile, auxquels
doivent prendre part, le 23 avril, les jeunes filles du village ;
serpents écorchés dont on emploie la peau pour des fumigations
fertilisantes pratiquées la veille de la fête du saint…
En Orient, les choses étaient plus claires encore : une coutume
syrienne voulait par exemple que l’on offrît des jeunes filles aux
hommes saints, aux « inspirés », pour que des êtres surnaturels
puissent voir le jour, comme si saint Georges et le dragon étaient
réunis dans une même fonction, celle, mythologique et fort
ancienne, des demi-dieux animalisés et fertilisants ; or,
précisément, les rites syriens de saint Georges ont porté les
traces évidentes de cette vieille prostitution sacrée, son lieu de
culte – le pouvoir occulte de son lieu, et plus précisément de sa
tombe – supportant désormais cette capacité magique de fertiliser
les femmes. Frazer signale encore d’autres exemples, telle cette
recette de séduction sexuelle réussissant à combiner le culte de
saint Georges et l’instrumentalisation déplacée – car rétrécie
aux dimensions d’un simple crapaud – de sa victoire sur le dragon
:
Pieter Balten - grande_kermesse_de_la_saint_Georges_au_village |
« Attrapez une grenouille le jour de la Saint-Georges,
enveloppez-là dans un linge blanc, et déposez-là dans une
fourmilière après le coucher du soleil ou vers minuit. L’animal
fait entendre de terribles coassements pendant que les fourmis lui
rongent la chair sur les os. Lorsque le silence règne de nouveau,
vous ne trouverez plus rien de la grenouille qu’un petit os en
forme de crochet et un autre petit os en forme de pelle. Prenez l’os
crochu, approchez-vous de la fille de votre choix et accrochez-le sur
sa robe ; immédiatement après elle vous aimera à la folie. Si plus
tard vous avez assez d’elle, vous n’avez qu’à la toucher avec
l’autre os, et son amour disparaîtra aussi vite qu’il est venu.
»
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Dante Gabriel Rossetti, St George et la princesse Sabra , 1862
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L'histoire de St George et le dragon -Le mariage de St George et de la princesse Sabra, 1861-1862
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