Je reviens sur la vie de ces personnages romanesques et historiques, qui ont eu pour témoin et acteur: un limougeaud, Aimery de Limoges (1110-1196).
Le protagoniste principal de cette histoire est Renaud de Châtillon, né vers 1120,
mort en 1187 à Hattin, prince consort
d'Antioche (1153-1163), puis seigneur consort
d'Outre-Jourdain et seigneur d'Hébron.
Ce cadet et fils d'un seigneur de Chatillon, sans fortune passe
pour être un magnifique guerrier. Il part pour la Terre
sainte et, au printemps 1153, épouse Constance,
princesse régente d'Antioche, veuve de Raymond de Poitiers.Constance, princesse d'Antioche, devenue veuve à vingt- deux ans, son mari Raymond ayant été tué dans un combat, refuse les partis les plus flatteurs, en particulier un prince de l'Italie méridionale, qui, de désespoir, se fait moine ; puis un prince grec, neveu de l'empereur de Byzance.
* A noter que le premier mari de Constance n'était autre que Raymond Ier de Poitiers, prince d'Antioche, fils de Guillaume IX, duc d' Aquitaine, lui-même grand-père d'Aliénor d'Aquitaine... Quand Aliénor accompagnant son mari, le roi de France, en croisade, arrive en Syrie ; le patriarche qui à la tête de la procession des clercs donne au couple royal sa bénédiction s’appelle Aimery de Limoges. Raymond de Poitiers, jeune frère du père d'Aliénor, magnifique baron qui aime la poésie, les troubadours et la vie courtoise, a gardé pour Aliénor le prestige que peut avoir un garçon qui se fait le compagnon de jeux d'une fillette en ce palais de l'Ombrière, et une foule de souvenirs les unit...
Malgré l'insistance du roi de Jérusalem, qui juge nécessaire la présence d'un homme pour défendre la Principauté, Constance ne peut se décider au mariage. Enfin, elle s'éprend d'un simple chevalier, fort pauvre, Renaud de Châtillon, qui se couvre de gloire sur les champs de bataille.
« Constance, la princesse d'Antioche, qui maint grand baron de haute affaire avait refusé, s'accorda en son cœur à un jeune bachelier de France qui n'était pas moult riche homme ( moult sage était et courtois, loyal et bon chevalier). Renaud de Châtillon était appelé.... Maintes gens s'en émerveillèrent et grandes paroles en firent par le pays, mais toutefois fut Renaud, prince d'Antioche. » dit du prélat Guillaume de Tyr.
Ce héros d'aventure défend vaillamment la Principauté d'Antioche, dont il est devenu le souverain, et sa vie se passe en incessantes chevauchées : « Depuis qu'il fut prince d'Antioche, oncques ne vêtît drap de soie de couleur ni de vair ni de gris ; toujours il porta la cotte de mailles et le justaucorps de cuir. »
Après le roi, le prince d'Antioche tient le premier rang au pays de Terre sainte.
Aimery de Limoges, patriarche d’Antioche ( originaire donc de Limoges …!),voit avec le plus grand déplaisir la haute fortune de Renaud, et ce mariage fait contre son consentement... Ce prélat est riche, puissant, mais illettré et « menant même une vie quelque peu licencieuse » au dire de Guillaume de Tyr. Son influence sur la princesse, diminue et il s'exprime très librement sur le compte du nouveau prince …
Ayant parlé de lui avec mépris, Renaud oublie dans sa fureur le caractère ''sacré'' d'un évêque, et de plus âgé, et le jette en prison, le fait torturer, puis après avoir enduit ses blessures de miel, l’enchaîne et le fait exposer au soleil et aux insectes... On dit que ses grandes richesses ont servi à payer l'expédition de Chypre...
<- Renaud de Châtillon et le supplice d'Aimery de Limoges, enluminure, xve siècle
« Le Prince, qui était un homme très jeune, en fut très courroucé et très troublé ; et, à cause de cela, il lui vint une grande colère, telle qu’il commit un acte insensé ; en effet il fit saisir le Patriarche et il le fit mener honteusement au donjon d’Antioche. Et ensuite il commit une vilenie encore plus grande ; car celui qui était prêtre et évêque, et sacré au rang de saint Pierre, et qui était un vieil homme et malade, il le fit lier au sommet de la tour avec la tête toute couverte de miel ; et celui-ci eut, en ce lieu, au soleil brûlant, en une journée d’été, tout seul, à souffrir de la chaleur et des mouches avec une grande douleur. » Chronique de Foucher de Chartres
* Aimery de Limoges est
le patriarche d'Antioche de 1140 à 1165. Il naît vers
1110, en Limousin, et décède en 1196. Il part étudier à Tolède.
En 1136, il est nommé archidiacre d'Antioche.
Après la déposition de Raoul de Domfront, il est élu
patriarche d'Antioche sans doute grâce au prince d'Antioche, Raymond
de Poitiers, avec qui il entretient des relations amicales. Il prend
ensuite part à la régence de sa veuve, Constance, mais il est
emprisonné par Renaud de Châtillon, son deuxième mari. Il
doit s'exiler à Jérusalem, après sa libération à l'instigation
du roi Baudouin III de Jérusalem. Pendant son exil, il célèbre
le mariage de Baudouin à Théodora Comnène en 1158. Peu
de temps après, il est autorisé à rejoindre son patriarcat.** Aimery de Limoges est intervenu, vers 1150, pour que l’église de La Geneytouse soit donnée par l’évêque de Limoges à l’église d’Aureil ; cette intervention indique le patriarche d’Antioche, qui vivait loin du Limousin, tenait, malgré son éloignement, à s’occuper de questions religieuses touchant cette région ; voici une extrait du document concernant cette intervention, tel que ce document a été publié dans une revue savante :
« G(eraldus), Dei gratia Lemovicensis episcopus, presentibus et futuris in perpetuum. Nosse volumus tam presentes quam futuros quoniam intuitu pietatis et religionis ac ob caritatem et reverentiam A(imeric), patriarche Antiocheni, et precibus Thome fratris sui et Simonis archidiaconi, assensu quoque P. archidiaconi et P. archipresbiteri, concessimus et donavimus Willelmo priori et ecclesie Aurelienci ecclesiam de la Genestosa cum omninus pertinentiis suis in perpetuum possidendam ; (…) »
(Voici une traduction mot à mot en français moderne : « Gérald (note : il s'agit de Gérald du Cher, évêque de 1142 à 1177), par la grâce de Dieu évêque de Limoges, pour le présent et pour le futur à perpétuité. Nous voulons reconnaître, autant pour le présent que pour le futur, que, par l’effet de la piété et de la religion, et en raison de l’amitié et du respect pour Aimery, patriarche d'Antioche, et par l'effet des prières de son frère Thomas et de l'archidiacre Simon, et aussi par l’effet de l’assentiment du Père archidiacre et du Père archiprêtre, nous concédons et donnons au prieur Guillaume (note : il s'agit de Guillaume de Plaisance, qui était déjà prieur en 1156, et qui est décédé vers 1158), et à l’église d'Aureil, l'église de la Geneytouse, avec toutes ses possessions, en propriété perpétuelle ; (...) »
Et c'est ainsi, qu'en cette contrée
limousine sont rapportées ces histoires venues d'Orient ; et
d'abord par Roger de Laron lui-même...
*** Sur Aureil :
" Saint-Étienne de Muret ( fondateur de l’ordre de Grandmont ), suivant son hagiographie, vint les premiers temps de cette fondation près de Gaucher. Ils étaient très liés, mais un jour que Gaucher accéda aux demandes de "vertueuses dames" pour vivre sous sa direction en 1085. Étienne qui y était foncièrement hostile prit ses distances et partit vers Muret.
Saint Gaucher fit construire pour ces moniales le monastère de Bost las Mongeas à 500 m d'Aureil. L'église de son prieuré fut dédié en 1093 à St Jean l'Évangéliste. La règle suivie s'inspirait des coutumes de Saint Ruf de Valence qui avaient été approuvées par Urbain II; célibat traditionnel avec partage de tous les biens.
Les chanoines réguliers d'Aureil desservaient une vingtaine d'églises paroissiales en 1200. Saint Gaucher devait mourir des suites d'un accident; sommeillant sur sa monture, il avait 80 ans; il tomba et sa tête heurta un pierre. Il mourut le surlendemain, le 9 avril 1140. Au cours de la cérémonie funèbre présidée par Gérald, évêque de Limoges, de nombreux miracles eurent lieu. Il fut canonisé par Célestin III en 1194. L'évêque de Limoges se rendit à Aureil le 19 septembre 1194, releva le corps du saint, et le plaça dans une chasse.
Le monastère d'Aureil, nom donné au lieu par saint Gaucher, eut un tel succès, qu'une quarantaine de prieurés en Limousin, dans le sud du Berry et dans sa région natale furent fondés. Il reçut de très nombreuses donations des puissantes familles du voisinage et des évêques de Limoges. Mais cette observance sera victime d'abord des troupes du Prince Noir. Reconstruit, il sera brûlé sur l'ordre du Duc des Deux-Ponts en 1569, et une seconde fois par les huguenots de Lévis de Ventadour en 1575. Les derniers moines abandonneront Aureil en 1598. Le dernier prieur, Simon Palays, demandera que son monastère soit uni au Collège des Jésuites de Limoges en 1622, comme le sera celui de l'Artige en 1682. Des bâtiments monastiques seront reconstruits en 1643, mais l'église avait été réduite par un mur de refend entre la deuxième et la troisième travée en 1635. L'aile orientale fut démolie au XIXe siècle. La couverture du clocher primitivement en ardoise a été refaite en 1967 en essentes de châtaignier. La dernière travée de l'église qui était sécularisée a été rachetée par la municipalité pour servir de salle municipale." Par Michel FOUGERAT: sur http://www.limousin-medieval.com/
*** Sur Aureil :
" Saint-Étienne de Muret ( fondateur de l’ordre de Grandmont ), suivant son hagiographie, vint les premiers temps de cette fondation près de Gaucher. Ils étaient très liés, mais un jour que Gaucher accéda aux demandes de "vertueuses dames" pour vivre sous sa direction en 1085. Étienne qui y était foncièrement hostile prit ses distances et partit vers Muret.
Saint Gaucher fit construire pour ces moniales le monastère de Bost las Mongeas à 500 m d'Aureil. L'église de son prieuré fut dédié en 1093 à St Jean l'Évangéliste. La règle suivie s'inspirait des coutumes de Saint Ruf de Valence qui avaient été approuvées par Urbain II; célibat traditionnel avec partage de tous les biens.
Les chanoines réguliers d'Aureil desservaient une vingtaine d'églises paroissiales en 1200. Saint Gaucher devait mourir des suites d'un accident; sommeillant sur sa monture, il avait 80 ans; il tomba et sa tête heurta un pierre. Il mourut le surlendemain, le 9 avril 1140. Au cours de la cérémonie funèbre présidée par Gérald, évêque de Limoges, de nombreux miracles eurent lieu. Il fut canonisé par Célestin III en 1194. L'évêque de Limoges se rendit à Aureil le 19 septembre 1194, releva le corps du saint, et le plaça dans une chasse.
Le monastère d'Aureil, nom donné au lieu par saint Gaucher, eut un tel succès, qu'une quarantaine de prieurés en Limousin, dans le sud du Berry et dans sa région natale furent fondés. Il reçut de très nombreuses donations des puissantes familles du voisinage et des évêques de Limoges. Mais cette observance sera victime d'abord des troupes du Prince Noir. Reconstruit, il sera brûlé sur l'ordre du Duc des Deux-Ponts en 1569, et une seconde fois par les huguenots de Lévis de Ventadour en 1575. Les derniers moines abandonneront Aureil en 1598. Le dernier prieur, Simon Palays, demandera que son monastère soit uni au Collège des Jésuites de Limoges en 1622, comme le sera celui de l'Artige en 1682. Des bâtiments monastiques seront reconstruits en 1643, mais l'église avait été réduite par un mur de refend entre la deuxième et la troisième travée en 1635. L'aile orientale fut démolie au XIXe siècle. La couverture du clocher primitivement en ardoise a été refaite en 1967 en essentes de châtaignier. La dernière travée de l'église qui était sécularisée a été rachetée par la municipalité pour servir de salle municipale." Par Michel FOUGERAT: sur http://www.limousin-medieval.com/
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