« C'est à l'entour des années
conciliaires que la question fut posée de valeurs positives
contenues dans les traditions elles-mêmes. Les théologiens
répondaient d'ailleurs à cette question de façon diverses. Ils
étaient en effet divisés sur la nature de pareilles valeurs
positives : s'agissait-il de ''pierres d'attentes'', présentes
dans l'homme religieux par nature ; ou bien, de façon plus
affirmative, d'« d’éléments de vérité et de grâce »,
témoignant d'une initiative de Dieu vis à vis des hommes ? Le
concile, en fonction,de son attitude ouverte mais discrète à la
fois, n'a pas voulu trancher ce débat. » Jacques Dupuis (*) (
Conférence Louvain 1998)
Le contexte interreligieux soulève
aujourd'hui, de façon nouvelle, - pour un catholique - trois questions sur:
- L’ampleur du plan divin pour l'humanité, dans son unité et sa diversité ?
- Le sens et la place dans ce plan divin global pour l'humanité de l’événement ' Jésus-Christ '( particulier dans l'histoire, et pourtant de portée universelle ) ?
- Le sens et la valeurs salvifique, dans le même plan de Dieu pour l'humanité entière, d'autres ''voies'' de Salut se réclamant elles aussi de ''figures salvatrices''.. ?
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Abraham |
Le Pluralisme religieux dans lequel
nous vivons aujourd'hui, peut être considéré comme un pluralisme
de droit, auquel on peut reconnaître un sens positif dans le plan
divin pour l'humanité. Le mystère de Dieu reste nécessairement
au-delà de toute connaissance humaine et les religions représentent
autant d'approches tâtonnantes des hommes face à ce mystère. Le
mystère intime de Dieu consiste – pour le Chrétien – en une
communion et une communication plénière entre personnes, Père,
Fils, et Esprit.
La trinité immanente, ne suffit pas,
comme telle, à établir le fondement du pluralisme religieux. C'est
la à la ''trinité économique'' qui en est l'épanchement dans
l'histoire des hommes, qu'il faut avoir recours.
Les diverses
traditions religieuses représentent en effet les diverses façons
dont « à bien des reprises et de bien des manières » (
He 1,1) Dieu a parlé et s'est prodigué aux hommes à travers
l'histoire. Elles ne figurent pas seulement, ni d'abord, les efforts
inlassables des hommes à la recherche de Dieu, mais bien plutôt les
avances continues et multiples de Dieu à leur égard. Si elles
constituent pour leurs membres des ''voies'' de salut, c'est que Dieu
lui-même a d'abord tracé ces voies en se mettant à la recherche
des hommes.
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Stelle au dieu inconnu |
Cela ne contredit aucunement l'unicité
de Jésus-Christ que l'on a appelée «constitutive»; mais cette
unicité doit aussi être entendue comme « relationnelle ».
Cela
veut dire que l'événement historique du Verbe fait chair, tandis
qu'il marque l'engagement le plus profond et décisif de Dieu à
l'égard du genre humain, s'insère nécessairement dans l'ensemble
du plan organique de Dieu pour l'humanité. Les diverses composantes
de ce plan unique et organique sont interdépendantes et
relationnelles. L'événement Jésus-Christ, constitutif du salut
pour tous, n'exclut ni n'inclut, en les absorbant, aucune autre
figure ou tradition salvatrice. Il y a plus de vérité et de grâce
divine à l'œuvre dans l'histoire des interventions de Dieu en
faveur du genre humain qu'il ne s'en trouve dans la seule tradition
chrétienne. Les autres traditions représentent par rapport à elle
des dons divins supplémentaires et autonomes. Si l'événement
Jésus-Christ mène l'histoire du salut à son apogée, ce n'est pas
par substitution ou par remplacement, mais par confirmation et
accomplissement.
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Des jésuites reçus par l'empereur moghol Akbar |
(*) Note : Jacques Dupuis ( 1923-2005), est un prêtre jésuite belge et théoricien du dialogue interreligieux. Son expérience décisive a été un long séjour en Inde, de 1948 à 1984. A partir de 1984, il est professeur à la faculté de théologie de l'Université grégorienne de Rome. Il est consulteur au Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, de 1985 à 1995, et directeur de la revue Gregorianum.
En 1997, il publie un livre intitulé Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, qui déclenche une tempête au sein de l'institution ecclésiale. L'auteur y développe l'idée selon laquelle le salut apporté par Jésus-Christ dépasse les frontières du christianisme et se manifeste également à travers d'autres religions. Une position qu'il résume par cette phrase : « Pour moi, Jésus-Christ est le sauveur universel, mais en même temps je crois que, dans le plan divin, les autres traditions religieuses du monde apportent une contribution positive à l'humanité. »
La Congrégation pour la doctrine de la foi (ex-Saint-Office) suspecte dans cette analyse un risque de "relativisme". En 1998, elle fait suspendre les cours du théologien à l'Université grégorienne. En septembre 2000, le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation, publie un document intitulé Dominus Iesus, où il insiste sur le fait que la "fonction salvifique" du Christ est "exclusive, universelle et absolue".
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